Motivation du licenciement par une autorité publique – Du neuf !

Depuis longtemps, est controversée la question de savoir si l’autorité publique a l’obligation d’entendre le travailleur contractuel avant de le licencier et si elle a l’obligation de motiver formellement le licenciement conformément aux règles prévues par la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs.

L’on aurait pu croire que l’arrêt de la Cour de cassation du 12 octobre 2015 (n° S.13.0026.N) avait mis fin à cette controverse. Selon la Cour, il n’existe en effet aucune obligation pour l’employeur public d’appliquer l’adage audi alteram partem ou de motiver formellement l’acte de congé lorsqu’il licencie un travailleur contractuel.

Malgré le fait que cette jurisprudence avait été relativement bien suivie par les cours et tribunaux et même confirmée par un arrêt du Conseil d’Etat du 27 septembre 2016, certains auteurs ont vivement critiqué la position de la Cour de cassation, notamment sur base du fait qu’il existait une différence de traitement avec les agents statutaires.

Par la suite, la Cour constitutionnelle a elle aussi eu l’occasion de se prononcer sur cette problématique. Il convient de distinguer l’obligation d’audition préalable de l’agent contractuel et l’obligation de motivation formelle de la décision de rupture du contrat.

Concernant l’audition de l’agent, à l’inverse de ce qui avait été décidé par la Cour de cassation, il ressort d’un arrêt du 6 juillet 2017 (n° 86/2017) que l’autorité publique a bel et bien l’obligation d’entendre préalablement le travailleur contractuel qu’elle souhaite licencier pour des motifs liés à sa personne ou à son comportement. Selon la Cour constitutionnelle, la différence de traitement avec les agents statutaires est en effet incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

La Cour constitutionnelle va encore plus loin dans un arrêt du 22 février 2018 (n° 22/2018), par lequel elle a estimé que le délai de trois jours prévu par l’article 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, n’empêchait pas l’employeur public d’entendre préalablement le travailleur contractuel qu’elle souhaite licencier pour motif grave. Cette position nous paraît cependant délicate, notamment si l’employeur est déjà en possession de tous les éléments lui permettant d’acquérir une certitude suffisant à sa propre conviction.

A propos de la motivation formelle de l’acte de congé, la Cour constitutionnelle s’est récemment prononcée, par arrêt du 5 juillet 2018 (n° 84/2018). Contrairement à ce qu’elle avait décidé jusqu’alors en matière d’audition préalable, la Cour a jugé que le fait de ne pas appliquer la loi du 29 juillet 1991 au licenciement des contractuels de la fonction publique ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution. Cela rejoint donc la position de la Cour de cassation.

Le raisonnement de la Cour constitutionnelle est le suivant : l’agent statutaire qui fait l’objet d’une cessation de fonction et l’agent contractuel qui reçoit son congé se trouvent dans des situations différentes :

  • Pour le premier, la relation est caractérisée par la permanence de l’emploi et le fait que la fin de la relation statutaire ne peut intervenir que sur base de motifs expressément énumérés par le statut de l’agent. De ce fait, l’autorité publique doit identifier adéquatement le motif de licenciement prévu par le statut, ce qui permet en outre à l’agent statutaire d’introduire un recours en annulation devant le Conseil d’Etat dans un délai de soixante jours. Le recours devant être introduit dans ce bref délai, l’agent doit donc connaître rapidement les motifs de la décision.
  • Le second est quant à lui soumis aux règles du contrat de travail. Chacune des parties peut mettre fin au contrat de manière unilatérale et le travailleur contractuel dispose d’un délai d’un an après la cessation du contrat pour introduire un recours devant le tribunal du travail. Ce délai lui permet donc de demander à l’employeur de connaître les motifs de son licenciement.

Nous pensons toutefois que la prudence reste de mise. La Cour constitutionnelle a en effet rappelé son arrêt du 30 juin 2016 (n° 101/2016), dans lequel elle appelait les juridictions à garantir sans discrimination les droits de tous les travailleurs du secteur public, en s’inspirant, le cas échéant de la C.C.T. n° 109. Celle-ci garantit le droit du travailleur de connaître les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement afin d’en apprécier le caractère raisonnable. Outre une « amende civile » forfaitaire de deux semaines de rémunération à charge de l’employeur qui ne répondrait pas à la demande du travailleur, une sanction allant de 3 à 17 semaines de rémunération peut par ailleurs être prononcée en cas de licenciement « manifestement déraisonnable », c’est-à-dire dont les motifs n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ou ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service, s’agissant d’un licenciement qui n’aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable.

Notre conseil : l’employeur public doit être en mesure de motiver adéquatement et précisément sa décision de rupture, à tout le moins a posteriori. Cela implique de conserver les preuves par exemple de l’inaptitude ou de la conduite inappropriée du travailleur contractuel, ou encore des nécessités de fonctionnement du service.
 

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