Un décret expropriation en Région wallonne

La loi spéciale relative à la Sixième Réforme de l'État du 6 janvier 2014 a inséré dans la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, sous le titre II traitant des compétences, un nouvel article 6quater libellé comme suit :

Les régions fixent la procédure judiciaire spécifiquement applicable en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique d’un bien situé dans la région concernée, moyennant une juste et préalable indemnité telle que visée à l’article 16 de la Constitution, à l’exception de la compétence fédérale de déterminer les cas dans lesquels et les modalités, y compris la procédure judiciaire, selon lesquelles il peut être recouru à l’expropriation pour cause d’utilité publique par l’autorité fédérale et par les personnes morales habilitées par ou en vertu de la loi à recourir à des expropriations pour cause d’utilité publique.

En Région wallonne, cette compétence s’est exercée récemment par l’adoption, le 21 novembre 2018, d’un décret relatif à la procédure d’expropriation. Ce décret entrera en vigueur à une date qui reste à fixer par le Gouvernement. Un régime transitoire est organisé : les procédures administratives ou judiciaires déposées ou introduites avant l’entrée en vigueur du décret poursuivront leur instruction sur la base des anciennes dispositions, en vigueur lors de leur dépôt ou de leur introduction.

Ce décret remplacera donc, prochainement et progressivement, les lois du 17 avril 1835 et du 27 mai 1870 (procédure ordinaire), la loi du 10 mai 1926 (procédure d’urgence), mais surtout la loi du 26 juillet 1962 (procédure d’extrême urgence).

En effet, la procédure d’extrême urgence, constituant l’exception, était incontestablement devenue la règle, les procédures ordinaire et d’urgence étant totalement tombées en désuétude.

Ce recours quasi systématique à une loi d’exception était critiqué par la doctrine, et à l’origine d’un contentieux important sur le contrôle de l’extrême urgence invoquée pour justifier le recours à la loi du 26 juillet 1962.

Ce débat judiciaire était d’ailleurs à l’origine d’une jurisprudence de plus en plus sévère envers les pouvoirs expropriants, mais il n’aura désormais plus lieu, la notion d’extrême urgence ayant disparu des conditions qui doivent présider à une expropriation.

Seuls le respect de la procédure et la condition d’utilité publique du but poursuivi par l’expropriation pourront encore être contrôlés dans le cadre de l’examen de la légalité interne et externe de l’arrêté, au stade de la phase judiciaire.

Le décret précise cependant que l’illégalité ne pourrait être retenue que dans la mesure où le motif invoqué a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise, a privé les intéressés d’une garantie ou a pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte.

L’intention, d’un exproprié et/ou d’une partie intervenante, de contester la légalité de la procédure doit, quant à elle, avoir été exprimée et actée à l’occasion de la comparution sur les lieux, sous peine de forclusion.

Ces dispositions tendent à réduire les possibilités de contestations de la légalité de l’expropriation, mais dans une mesure qui semble parfaitement raisonnable.
Une autre critique née de l’usage systématique de la procédure d’extrême urgence est rencontrée par le décret : le verrouillage de la phase judiciaire de la procédure passe aussi par l’aménagement de délais plus praticables pour tous les acteurs, magistrats, experts et avocats.

Le décret s’efforce ainsi de réconcilier, d’une part, l’intérêt général poursuivi par l’expropriant en raison des nécessités de l’utilité publique en cause et, d’autre part, l’intérêt particulier de l’exproprié par un exercice plus serein des droits de la défense.

D’autres avancées majeures méritent encore d’être rapportées, notamment :

  • la péremption des expropriations arrêtées mais non poursuivies dans un délai de dix ans ;
  • la nouvelle compétence du conseil communal pour adopter un arrêté d’expropriation sur des biens situés sur le territoire de sa commune ;
  • l’extension de la nature des droits visés ou portés par une expropriation : volume en sous-sol, occupation temporaire, création de servitude, etc. ;
  • le remplacement de la compétence matérielle du juge de paix par celle du tribunal de première instance ;

Le décret recèle enfin de nombreuses importations, dans les textes, de la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’État sur des questions diverses, telles que :

  • l’obligation d’une négociation amiable préalable ;
  • le caractère non liant d’une offre émise dans ledit cadre amiable ;
  • la charge et le calcul des dépens aux différents stades de la phase judiciaire ;

Le format de la présente information ne permet cependant pas de brosser un tableau complet de ce décret, dont on peut déjà reconnaître les qualités.
 

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