Indemnité de procédure due par la partie civile en cas d’appel purement civil

Arrêt de la Cour Constitutionnelle n° 113/2016 du 22 septembre 2016

Le Tribunal de première instance de Liège, division Liège, a posé la question suivante :   « L’article 162bis du Code d’instruction criminelle viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu’il prévoit que le prévenu acquitté et son civilement responsable ont droit à une indemnité de procédure à charge de la partie civile qui a introduit à son encontre une citation directe mais qu’il exclut que le prévenu acquitté en instance et son civilement responsable aient droit à une indemnité de procédure d’appel à charge de la partie civile qui, bien que n’ayant pas introduit de citation directe à son encontre, a néanmoins interjeté appel en l’absence de tout recours du ministère public ? ».

Par arrêt du 22 septembre,  la Cour Constitutionnelle a répondu par l’affirmative en considérant que la disposition en cause, qui met à charge de la partie civile qui introduit une action par citation directe, une indemnité de procédure au bénéfice du prévenu acquitté et du civilement responsable, sans la mettre à charge de la partie civile qui, sans être précédée ou suivie à cet égard par le ministère public, interjette appel d’un jugement rendu sur une action publique introduite par le ministère public au bénéfice du prévenu acquitté et du civilement responsable, n’est pas raisonnablement justifiée.

En effet, la Cour précise que si le ministère public n’a pas interjeté appel, l’action de la partie civile, en degré d’appel, ne se greffe plus sur une action mue par l’intérêt général mais tend exclusivement à la défense d’un intérêt privé. Elle est donc à l’origine des frais et honoraires d’avocat exposés pour la procédure d’appel.

La partie civile qui, seule, interjette appel d’un jugement d’acquittement lorsque l’action publique a été intentée par le ministère public prend l’initiative d’une nouvelle instance, même si elle n’est pas à l’origine de l’action introduite en première instance et qu’elle a greffé son action initiale sur l’action publique. Elle exerce ainsi un droit qui lui est propre, le droit de faire réexaminer sa cause par une juridiction supérieure.

La Cour a également rappelé que l’article 162bis, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle fait partie d’un ensemble de mesures qui répondent au souci « de traiter de manière identique les justiciables qui sollicitent la réparation d’un dommage devant une juridiction civile ou une juridiction répressive.» (Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1686/4, pp. 6 et 8; ibid., n° 3-1686/5, p. 32; Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51-2891/002, p. 5).

En d’autres termes, désormais, lorsque la partie civile interjettera appel – sans être précédée ou suivie de l’appel du ministère public - elle supportera une indemnité de procédure si le jugement d’acquittement du prévenu est confirmé en degré d’appel.

Quelle est la situation de la partie intervenante volontaire, soit l’assureur RC automobile, soit le FCGB,  dans cette hypothèse ? Il nous semble qu’une solution identique doit être retenue. 

En effet, ces parties peuvent intervenir volontairement devant les juridictions répressives « dans les mêmes conditions que si le procès était porté devant la juridiction civile ». S’est donc posée la question de savoir si « ces mêmes conditions » visaient le régime des indemnités de procédure.

Telle fut la thèse assez consacrée par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 70/2009, du 23 avril 2009 qui a déduit des articles 146 et 153, § 5, de la loi du 4 avril 2014 sur le contrat d'assurance terrestre qu'en dépit du silence de l'article 162bis du Code d'instruction criminelle, le régime de l'indemnité de procédure devait s’appliquer à l'encontre ou au profit de l'assureur de la responsabilité civile, intervenu devant la juridiction pénale, de la même manière que si cet assureur était intervenu devant le juge civil. Cet enseignement a été confirmé dans des arrêts des 9, 16 et 24 juillet, et 17 septembre 2009 et des 25 février, 6 mai et 23 juin 2010. (C. const., 23 avril 2009, J.T., 2009, p. 343, note, J.L.M.B., 2009, p. 1643, NjW, 2009, p. 845, note A. Vanderhaeghen, R.A.B.G., 2009, p. 781, note J. Van Doninck, J.J.Pol., 2009, p. 133, note, C.R.A., 2009, p. 222, note I. Pechard ; C. const., arrêt no 146/2009, du 17 septembre 2009).

La Cour de cassation s’est, quant à elle, prononcée, le 20  mai 2015 en décidant que « une juridiction répressive statuant sur l’action mue par la partie civile contre l’assureur de l’automobiliste prévenu ne peut condamner celle-ci à l’indemnité de procédure, prévue par l’article 1022 du Code judiciaire, lorsque l’action publique a été initiée par le ministère public, la partie civile s’étant jointe aux poursuites. L’article 153, paragraphe 5, de la loi du 4 avril 2014 n’institue en effet pas une règle dérogeant à celle visées à l’article 162bis, alinéa 2 du Code d’instruction criminelle » (Cass., 20 mai 2015, J.L.M.B., 2015/25, 1184).

La Cour a en effet rappelé que si l’action publique a été initiée par le ministère public et que  la partie civile s’est jointe aux poursuites à l’audience, lorsque les juridictions répressives se prononcent sur une action civile, elles ne peuvent infliger l’indemnité de procédure visée à l’article  1022 du Code judiciaire que dans les cas énoncés aux articles 162bis, 194, 211 et 351 du Code d’instruction criminelle. 

En d’autres termes, si l'assureur ou le FCGB, parties intervenantes, peuvent être condamnés à payer une indemnité de procédure, l'inverse doit également être reconnu. Les parties intervenantes peuvent également bénéficier d'une indemnité de procédure, à condition qu'elles aient pu obtenir ladite indemnité « dans les mêmes conditions » que si la procédure avait été menée devant le juge civil.

Suite à l’arrêt de la Cour Constitutionnelle du 22 septembre 2016, il faut donc considérer que si la partie civile interjette appel et n’est pas suivie par le ministère public, elle devra une indemnité de procédure, au prévenu, au civilement responsable et à l’intervenant volontaire, si elle succombe.

Dans un sens, cela peut restreindre le droit légitime de la partie civile d’exercer son droit au recours, dans un autre sens, en interjetant appel, sans être suivie par le ministère public, elle est à l’origine des frais exposés par le prévenu, son civilement responsable et l’intervenant volontaire. 

Dans la mesure où il y a une volonté de traiter de manière identique les justiciables qui sollicitent réparation d’un dommage devant une juridiction civile ou répressive, la solution de la Cour Constitutionnelle nous semble cohérente.
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