Contestation d’une décision d’attribution suite à une offre déposée par une société momentanée – rien de neuf ?

Recours au Conseil d’Etat : la rigueur encore et toujours !
 
Dans son arrêt « Espace-Trianon » du 8 septembre 2005 (C-129/04), la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) a reconnu la compatibilité avec la Directive 89/655/CEE de la double exigence posée par le Conseil d’Etat belge à la recevabilité d’un recours en suspension ou annulation d’une décision d’attribution lorsque le soumissionnaire évincé est une société momentanée, à savoir :
 
-       La nécessité d’un recours introduits au nom de tous les associés et pas seulement par un ou plusieurs d’entre eux ;
-       La nécessité que la décision d’agir soit valablement prise par l’organe compétent de chaque associé, la décision non valablement prise par l’un des associés rendant irrecevable le recours à l’égard de tous les associés.
 
Cette position devait-elle être assouplie à la suite de la jurisprudence postérieure de la CJCE décidant :
 
-       D’une part, de considérer comme compatible avec la directive précitée le droit reconnu par un Etat membre, en l’espèce l’Italie, d’accorder à chaque associé d’une société momentanée la possibilité d’introduire individuellement un recours contre une décision d’attribution (Ordonnance CJCE « Consorzio », 4/10/2007, C-492/06)
-       D’autre part, de considérer comme incompatible avec le droit européen, l’absence de possibilité au sein d’Etat membre, en l’espèce la Grèce, d’introduire à titre individuel une action en réparation pour le dommage propre subi par un des associés par suite d’une décision adopté par une autorité autre que le pouvoir adjudicateur mais impliquée dans cette procédure et de nature à influencer celle-ci (arrêt CJCE « Club Hotel Loutraki », 6/05/2010, C-145/08 et C-149/08).
 
Le Conseil d’Etat considère que ces décisions ne remettent pas en cause la solution dégagée par l’arrêt « Espace –Trianon » et maintient dès lors encore et toujours la double exigence rappelée ci-dessus pour la recevabilité d’un recours introduit dans le cadre d’une offre déposée par une société momentanée (voir notamment C.E, 24 novembre 2010, n°209.130 ; C.E., 6 décembre 2010 n°209.514).
 
 
Recours en indemnisation : vers un assouplissement
 
Si la jurisprudence du Conseil d’Etat n’a pas été assouplie par l’arrêt « Club Hotel Loutraki » de la CJCE du 6 mai 2010, cet arrêt devrait néanmoins permettre aujourd’hui à chaque associé d’agir individuellement dans le cadre d’une action en indemnisation devant les Cours et tribunaux à l’encontre du pouvoir adjudicateur dans l’hypothèse d’une attribution fautive du marché à un concurrent.
 
Or, jusqu’à présent, les Cours et Tribunaux, dans leur très large majorité, exigeaient la présence à la cause de l’ensemble des associés dans le cadre d’une action en responsabilité dirigée par la société momentanée à l’égard d’un tiers, sous le tempérament classique d’un éventuel mandat confié à un des associés pour agir au nom de l’ensemble de ceux-ci.
 
Désormais, même en l’absence de mandat, voire même en cas de refus de certains associés d’engager une action en responsabilité contre le pouvoir adjudicateur, un des associés évincés doit avoir la possibilité de solliciter seul réparation de son dommage propre par suite de l’éviction du marché litigieux de la société momentanée à laquelle il participait sur la base de l’interprétation de la Cour de Justice.
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