Une nouvelle obligation d’assurance applicable aux usufruitiers

Une nouvelle obligation d’assurance applicable aux usufruitiers

Nous avons déjà envisagé la réforme du droit des biens résultant du second livre du nouveau Code civil, adoptée par la loi du 4 février 2020 (consultez notre précédent article). Celui-ci est entré en vigueur le 1er septembre 2021.

Parmi les nouvelles dispositions relatives à l’usufruit, l’article 3.151 du Code civil précise que : 
"L’usufruitier est tenu d’assurer le bien en pleine propriété pour les risques habituels et de payer les primes. L’usufruitier d’un bien immeuble est en tous cas obligé de l’assurer contre l’incendie. L’usufruitier est tenu de présenter au nu-propriétaire, à première demande, la preuve de la police d’assurance. 
Si l’usufruitier ne satisfait pas aux obligations définies à l’article 1er, le nu-propriétaire peut prendre lui-même une assurance et l’usufruitier est tenu de lui en rembourser le coût immédiatement
". 

Auparavant, l’usufruitier était uniquement tenu de fournir une caution (ancien article 601). La nouvelle obligation d’assurance a cependant un champ d’application plus large. 

Il faut tout d’abord relever que ce régime est supplétif. Les parties ont donc la possibilité, lors de la conclusion du contrat de l’usufruit, de déroger à ce régime. 

Cette obligation d’assurance entraîne quelques difficultés pratiques. 

  • L’usufruitier doit-il mentionner le nu-propriétaire comme co-assuré ou doit-il indiquer que l’assurance est souscrite à tout le moins pour partie pour son compte ?  Cela ne semble pas nécessaire. En vertu de l’article 3.10 du Code civil, les droits respectifs de l’usufruitier et du nu-propriétaire s’appliqueront de plein droit sur tous les biens qui viennent en remplacement de l’objet initial du droit réel, parmi lesquels les indemnités qui se substituent au bien. Le fait que le nu-propriétaire soit identifié comme étant co-assuré ou bénéficiaire de l’indemnité, pourrait tout de même faciliter le règlement de l’indemnité.

  • L’obligation d’assurance porte sur la couverture des « risques habituels ». Cette notion est floue, mais semble englober l’assurance incendie et dégâts connexes. L’étendue de l’obligation d’assurance n’est cependant pas déterminée. 
    Rendre la souscription d’une assurance de dommage obligatoire est assez inédit. Or, on sait qu’en cette matière et spécifiquement en assurance incendie, la détermination de la valeur du risque est capitale… Cela promet des difficultés…

  • L’instauration d’une assurance obligatoire rend la plupart des exclusions et déchéances de garantie inopposables aux tiers. Sont seules opposables à la personne lésée l'annulation, la résiliation, l'expiration ou la suspension du contrat, intervenues avant la survenance du sinistre (article 151). Cela modifie sensiblement les choses, en RC immeuble.

  • Le non-respect de cette nouvelle obligation n’est nullement sanctionnée pénalement, comme la plupart des autres assurances obligatoires.

  • Il est possible qu’après la production par l’usufruitier de la preuve de souscription d’une assurance, celle-ci soit rapidement résiliée, en raison du défaut de paiement de primes. Le nu propriétaire n’en sera, a priori, pas averti, ce qui l’empêchera d’intervenir.

Ce régime va donc générer d’importantes difficultés pratiques, celles relevées ci-dessus n’étant qu’exemplatives. 

Compte tenu du caractère supplétif de la disposition, il dès lors recommandé que les parties modalisent cette obligation d’assurance (identification des assurés, capital à couvrir…), dans leurs intérêts respectifs.

Avocat(s)