Réparation du dommage futur: Priorité de la rente par rapport à la capitalisation

Priorité de la rente par rapport à la capitalisation

Selon une majorité d’auteurs, la jurisprudence récente de la Cour de Cassation relative à l’indemnisation du dommage futur semble vouloir reconnaitre une priorité à l’indemnisation par capitalisation. Selon ce courant, une indemnisation forfaitaire ne pourrait être admise que lorsque la juridiction explique la raison pour laquelle la capitalisation ne serait pas envisageable.

L’octroi d’une rente, jusqu’en fin de vie économique ou physiologique, n’est à cet égard que rarement débattue. Les victimes en sollicitent rarement, les assureurs sont également réticents à en proposer, dans la mesure où cela entraine un suivi administratif au long cours. Or, l’indemnisation par le biais d’une rente permet d’éviter l’aléa du taux d’intérêt technique à retenir, mais également de l’indexation, si la rente est indexée.

Les critères de capitalisation aujourd’hui suggérés par certains et parfois retenus par certaines juridictions rebattent les cartes à cet égard. Les assureurs sont, dans ces conditions, de plus en plus tentés d’offrir des rentes lorsque le dommage permanent qui leur est réclamé fait l’objet d’une capitalisation, parfois avec un taux négatif.

La Cour d’appel de Liège, par un arrêt du 19 janvier 2022, a eu à trancher une hypothèse où l’assureur de responsabilité offrait, pour le préjudice permanent, l’octroi d’une rente (en l’espèce, pour l’aide de tiers permanente et pour l’incapacité ménagère) alors que la victime s’y refusait et sollicitait l’indemnisation de son préjudice par le biais d’une capitalisation.

La Cour d’appel s’appuie sur le tableau indicatif, lequel précise que "l’allocation d’une rente indexée éventuellement révisable représente la forme d’indemnisation la plus adéquate pour réparer les préjudices résultant d’une incapacité permanente importante.
Il s’agit pour la victime de recevoir, pour l’avenir, un montant périodique mensuel ou annuel et ce, durant toute sa vie effective.
Une telle indemnisation correspond le plus précisément possible à la réalité du dommage subi durant toute la période future, en tenant compte de la survie réelle de la victime. 
Elle présente l’avantage, pour la victime, de ne pas épuiser son indemnité avant la fin de la période d’indemnisation et protège les parties contre les éléments futurs et incertains
".

En réponse à la victime qui soutenait que l’octroi d’une rente violerait le principe de la libre disposition de l’indemnité, la Cour rappelle qu’une fois la rente versée, la victime dispose toujours de la possibilité de faire ce qu’elle souhaite du montant reçu, tout en rappelant également qu’il ne peut être question d’un droit à la libre disposition d’une indemnité qui serait appelée à réparer un préjudice subi dans plusieurs années.

La Cour fait ainsi droit à l’offre de rente, sans examiner les critères habituellement retenus par la jurisprudence (risque de dilapidation, ou incapacité de gestion dans le chef de la victime).

Si cette jurisprudence se confirme, il serait ainsi établi que l’indemnisation par le biais d’une rente, indexée, voire révisable, est prioritaire par rapport à une indemnisation par le biais d’une capitalisation.
 

Avocat(s)