Renforcement du dispositif de protection contre les représailles de l’employeur

Renforcement du dispositif de protection contre les représailles au travail

Le législateur a apporté quelques modifications aux lois tendant à lutter contre les discriminations et à la loi sur le bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail, qui renforcent le dispositif de protection existant au bénéfice des travailleurs ayant entrepris une démarche de dénonciation d’actes de violence, harcèlement ou discrimination au travail.

La loi du 4 août 1996 précitée prévoit en son article 32tredecies que lorsqu’un travailleur qui s’estime victime de violence ou de harcèlement moral ou sexuel, introduit (1) une demande d’intervention psychosociale formelle, (2) une plainte, (3) une action en justice, ou (4) si un travailleur se porte témoin de tels faits dans le cadre des démarches précitées, il est automatiquement protégé contre toute mesure de représailles de son employeur (licenciement ou autre) durant 12 mois.

Un mécanisme similaire est prévu pour les démarches relative aux discriminations.

1. 

En cas de discrimination uniquement, le législateur a étendu la protection aux « simples » signalements et dénonciations, afin qu’elle ne se limite plus aux uniques plaintes motivées ou actions en justice.

En outre, toujours pour ce qui concerne les cas de discrimination uniquement, le législateur a étendu le bénéfice de la protection aux personnes qui donnent des conseils ou apportent une aide ou une assistance à la victime, ainsi qu’à toute personne qui invoque la violation de la loi. Il n’est donc plus requis d’être un témoin « officiel » répondant à des conditions formelles.

Ces modifications sont la conséquence du fait que le système de protection actuel avait été jugé inadéquat par la Cour de justice de l’Union Européenne (C.J.U.E., 20 juin 2019, C-404/18 "Hakelbracht").

2.

Concernant tant les faits de violence et harcèlement que de discrimination, le législateur a élargi encore davantage la portée de la protection précitée.

La loi prévoyait que durant les 12 mois, l’employeur ne pouvait prendre de mesure préjudiciable à l’encontre du travailleur concerné "sauf pour des motifs étrangers à la demande introduite". Cela a donné lieu à des discussions sur ce que "la demande" visait exactement : le contenant uniquement ou le contenu également ?

Dans deux arrêts prononcés en 2020, la Cour de cassation a décidé que la protection ne visait que la plainte en elle-même, et non les faits contenus dans cette plainte, de sorte que la mesure préjudiciable pouvait se justifier par des motifs déduits de faits qualifiés de harcèlement ou de violence dans la plainte (Cass., 20 janvier 2020, S.19.0019.F et Cass., 15 juin 2020, S.19.0041.N).

Le législateur a modifié la loi à contre-sens de la jurisprudence de la Cour suprême, pour prévoir expressément que les motifs de la mesure préjudiciable doivent désormais être étrangers non seulement aux démarches du travailleur, mais également à leur contenu.

3.    

Une autre nouveauté est que la protection ne débute non plus au moment de la réception de la dénonciation, mais bien dès que l’employeur prend connaissance de ces démarches ou a raisonnablement pu en avoir connaissance

4.    

Le législateur en a également profité pour clarifier définitivement des questions déjà réglées en jurisprudence et en doctrine.

Notamment, il a prévu une disposition particulière en cas d’utilisation abusive de ces procédures de protection. La loi prévoit désormais expressément que la protection ne s’appliquera pas en cas d’abus, et que celui-ci pourra donner lieu à l’octroi de dommages et intérêts à charge du travailleur.

5.    

Enfin, conformément à ce qu’en décidait déjà une certaine doctrine et jurisprudence, la loi précise que l’indemnisation octroyée au travailleur en cas de violation de sa protection par l’employeur peut être cumulée avec les dommages et intérêts qu’il peut obtenir en réparation du dommage découlant de la violence, du harcèlement ou de la discrimination. 


Les différentes modifications sont reprises dans un projet de loi du 28 avril 2022 modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes, la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, et la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail, pour ce qui concerne la protection contre les mesures préjudiciables.

Ce projet de loi a été adopté le 16 février 2023 mais n’a pas encore été publié au Moniteur belge. Il entrera en vigueur le 1er jour du mois suivant l’expiration d’un délai de 10 jours après sa publication au Moniteur belge. 

Compétence