Nouvelle directive européenne concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales

I. Antécédents : la directive 2000/35/CE du 29 juin 2000 et la loi belge du 2 août 2002
 
Constatant que les retards de paiements dans les transactions commerciales constituaient un obstacle au succès du marché unique et qu’ils engendraient d’importantes charges pour les entreprises (en particulier les PME), pouvant mener à l’insolvabilité de ces dernières, les institutions européennes avaient adopté, le 29 juin 2000, la directive 2000/35/CE concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.
 
Le législateur belge a procédé à la transposition de cette directive dans une loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, qui est entrée en vigueur le 7 août 2002.
 
Conformément à la directive qu’elle transpose, la loi du 2 août 2002 s’applique à tous les retards de paiements effectués en rémunérations des transactions commerciales, celles-ci sont définies comme « toute transaction entre entreprises ou entre des entreprises et des pouvoirs adjudicateurs ou des entités adjudicatrices qui conduit à la fourniture de biens ou à la prestation de services contre rémunération ».
 
L’entreprise étant, au sens de la loi, « toute organisation agissant dans l’exercice d’une activité économique ou professionnelle indépendante, même lorsque cette activité n’est exercée que par une seule personne ». Elle vise donc tant les sociétés commerciales que les commerçants – personnes physiques et les titulaires de professions libérales.
 
Les pouvoirs adjudicateurs (entités adjudicatrices) sont l’ensemble des pouvoirs publics entrant dans le champ d’application de la réglementation relative aux marchés publics.
 
Transposant la directive du 29 juin 2000, la loi du 2 août 2002 prévoit que tout paiement en rémunération d’une transaction commerciale doit être effectué dans un délai de 30 jours prenant cours à la date de la réception de la facture ou, si une telle date est incertaine ou antérieure à la réception des marchandises ou à la prestation de service, à la date de la délivrance de la marchandise ou de l’exécution de la prestation convenue, sauf procédure particulière d’acceptation ou de vérification de la conformité des marchandises ou des services (article 4).
 
La loi dispose également que, à défaut de paiement dans le susdit délai (le délai légal de 30 jours ou le délai convenu par les parties), le créancier a droit « de plein droit et sans mise en demeure » à un intérêt calculé « au taux directeur appliqué par la Banque centrale européenne à son opération principale de refinancement la plus récente majoré de 7 points de pourcentage et arrondi au ½ point de pourcentage supérieur ». Ce taux est fixé à 8 % pour le premier semestre de cette année 2011 (alors que le taux d’intérêt légal de droit commun s’élève à 3,75 %) (article 5).
 
En outre, la loi du 2 août 2002 dispose que, en cas de défaut de paiement dans le délai légal de 30 jours ou dans le délai convenu entre parties, le créancier a droit à « un dédommagement raisonnable pour tous les frais de recouvrement pertinents encourus par la suite du retard de paiement » (article 6).
 
L’ensemble des dispositions de cette loi sont supplétives. Les parties demeurent dès lors libres de convenir d’un délai de paiement différent, de l’obligation d’adresser une mise en demeure pour faire courir les intérêts de retard, de convenir d’un taux d’intérêts inférieur à celui prévu par la loi ou de limiter ou d’exclure les frais de recouvrement qui peuvent être portés à charge du débiteur.
 
La loi prévoit toutefois que le Juge est en droit de réviser toute clause contractuelle contraire aux dispositions de la loi et qui constituerait « un abus manifeste à l’égard du créancier » (article 7).
 
 
II. La directive 2011/7/UE du 16 février 2011
 
Constatant que la directive 2000/35/CE du 29 juin 2000 devait faire l’objet de plusieurs modifications substantielles, notamment afin d’harmoniser les délais de paiements dans les transactions commerciales au sein de l’Union européenne, le législateur européen a adopté une nouvelle directive concernant la lutte contre les retards de paiements dans les transactions commerciales en date du 16 février 2011.
 
Cette directive abroge et remplace la directive 2000/35/CE à dater du 16 mars 2013, date ultime pour laquelle les Etats membres doivent procéder à sa transposition.
 
Cette nouvelle directive, dont le champ d’application est identique à celui de la directive 2000/35/CE et à celui de la loi du 2 août 2002, prévoit plusieurs modifications au régime actuellement en vigueur.
 
En ce qui concerne les délais de paiements, la directive du 16 février 2011 maintient le principe du délai de 30 jours à dater de la réception de la facture ou de la réception des marchandises ou de la prestation de service (sauf procédure de vérification de la conformité des marchandises ou des services).
 
La directive maintient le principe de la liberté contractuelle concernant la fixation du délai de paiement. Elle précise toutefois que « les Etats membres veillent à ce que le délai de paiement fixé dans le contrat n’excède pas 60 jours civils, à moins qu’il ne soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que cela ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier » (article 3.5). Sans doute le législateur européen veut-il dire qu’un délai supérieur à 60 jours doit être prévu expressément dans un contrat, et ne peut résulter simplement d’une disposition de conditions générales non expressément acceptées, ni découler d’un usage habituel entre parties.
 
Concernant les dernières transactions conclues entre une entreprise et un pouvoir public (pouvoir adjudicateur), la directive précise expressément que les Etats membres veillent à ce que « la date de réception de la facture ne fasse pas l’objet d’un accord contractuel entre le débiteur et le créancier ».
 
Enfin, toujours concernant les délais de paiements, la directive impose aux Etats membres de veiller à ce que la durée maximale de la procédure d’acceptation ou de vérification de la conformité des marchandises ou des services n’excède pas 30 jours depuis la date de la réception des marchandises ou de la prestation des services.
 
Le taux des intérêts de retard est, quant à lui, majoré de 1 % (« la somme du taux de référence est de 8 points de pourcentage au moins »).
 
En ce qui concerne les frais de recouvrement, la directive prévoit que, lorsque les intérêts pour retard de paiement sont exigibles, le créancier a droit, au minimum, au paiement d’une indemnité forfaitaire de 40,00 EUR, sans rappel ou mise en demeure nécessaire, le tout sans préjudice pour le créancier d’obtenir l’indemnisation pour tous les autres frais de recouvrement qu’il a réellement exposés (en ce compris les frais d’avocat).
 
La directive maintient le principe de la liberté contractuelle (allongement des délais de paiements, réduction du taux d’intérêt de retard, limitation des frais de recouvrement indemnisables). Cette liberté contractuelle demeure toutefois limitée aux clauses qui ne constituent pas un « abus manifeste à l’égard du créancier ».
 
La directive du 16 février 2011 précise cette notion : dans l’appréciation de l’abus manifeste éventuel, il y a lieu de tenir compte de tous les éléments de l’espèce, y compris :
-       « tout écart manifeste par rapport aux bonnes pratiques et usages commerciaux, contraire à la bonne foi et à un usage loyal ;
-       la nature du produit ou du service ;
-       la raison objective qu’aurait le débiteur de déroger aux délais de paiements, au taux d’intérêt de retard ou au montant forfaitaire de l’indemnité pour frais de recouvrement ».
 
Outre ces critères généraux d’appréciation, la directive précise expressément qu’est réputée manifestement abusive à l’égard du créancier toute « clause contractuelle ou pratique excluant le versement d’intérêts pour retard de paiement  [ou] l’indemnisation pour frais de recouvrement ».
 
Le législateur belge dispose d’un délai venant à échéance le 16 mars 2013 pour transposer la nouvelle directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.
 
Les acteurs économiques peuvent bien sûr anticiper cette transposition, notamment pour adapter leurs conditions générales.