Modifications apportées aux contrats en matière de droits d’auteur

loupe sur copyright
  • Introduction

    Le 17 avril 2019, le Parlement européen a adopté une nouvelle directive UE 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique. Celle-ci vise à davantage d’harmonisation entre les Etats membres de l’Union européenne, en matière de droit d’auteur, depuis la directive 2001/29/CE, directive-cadre dans le domaine et, notamment, dans la matière des contrats (licences, cessions, édition, etc.).

    Par une loi du 19 juin 2022, publiée au Moniteur belge ce 1er août 2022, le législateur belge a transposé cette directive dans notre Code de droit économique.

  • Rappels des principes contractuels en matière de droits d’auteur et de droits-voisins

    En droit belge, l’auteur d’un œuvre bénéficie d’une liberté contractuelle plutôt étendue :
    • Il peut céder tout ou partie de ses droits (droit de reproduction de l’œuvre, de communication au public, de location, de prêt, d’adaptation, de traduction, etc.) à un exploitant (éditeur, licencié, producteur, etc.),
    • Pour tout ou partie des modes d'exploitation (mise à disposition du public, exposition d’œuvres plastiques, radiodiffusion, photocopie, numérisation, exploitation sous forme de livre papier ou électronique, etc.),
    • Pour tout territoire,
    • De manière exclusive ou non,
    • Pour une certaine durée,
    • En échange, ou non, d’une rémunération.

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  • Nouvelles règles portées par la directive 2019/790 et la loi du 19 juin 2022

    • Principe de rémunération appropriée et proportionnelle

      La directive et la loi prévoient qu’une rémunération appropriée et proportionnelle droit être prévue en faveur des auteurs.

      Elle doit être en rapport raisonnable le nombre réel ou potentiel de personnes qui ont accès ou souhaitent avoir accès à l’œuvre.

      Malheureusement, ni la directive, ni la loi, ne définissent ce qu’il faut entendre par « rémunération proportionnelle ». Il faut espérer que les syndicats ou les sociétés de gestion collective négocieront des barèmes pour fixer ces valeurs puisque la loi du 19 juin 2022 prévoit expressément la possibilité de fixer certaines modalités contractuelles, dans le cadre des conventions collectives de travail.

      En tout état de cause, il ne sera donc plus possible de prévoir une rémunération faible ou nulle, dans les contrats de licence et les contrats de cession.

      Cette obligation est complétée par un mécanisme d’adaptation des contrats, qui permet à l’auteur d’obtenir une rémunération complémentaire, si l’œuvre rencontre un succès inespéré et si la rémunération, même appropriée et proportionnelle, fixée initialement, s’avère insuffisante par rapport aux revenus réellement tirés de l’exploitation de l’œuvre.

      Enfin, l’exploitant est tenu, au moins une fois par an, de donner à l’auteur des informations relatives à l’exploitation de l’œuvre (notamment, en ce qui concerne les modes d'exploitation, l'ensemble des recettes générées et la rémunération due), afin de permettre à celui-ci d’exercer un droit de regard sur les revenus générés par l’exploitation. Cette obligation était souvent prévue contractuellement dans les contrats de licence, mais il y va, désormais, d’une obligation légale.

    • Révocation en cas de non-exploitation

      L’exploitant est tenu d’exploiter l’œuvre reçue de l’auteur.

      En cas de non-exploitation ou d’exploitation insuffisante aux yeux de l’auteur (par exemple, lorsque l’éditeur n’a pas commercialisé un nombre suffisant d’exemplaires d’un livre), l’auteur, qui a concédé une licence exclusive à un exploitant, pourra soit mettre fin à l’exclusivité prévue par le contrat, soit révoquer la licence dans son intégralité.

      Ces droits sont également reconnus à l’artiste-interprète d’une œuvre, c’est-à-dire, celui qui exécute une prestation en rapport avec une œuvre (jouer dans un film ou une pièce de théâtre, interpréter une chanson, exécuter une chorégraphie, déclamer un poème, etc.).

    • Nouveaux droits à la rémunération

      La directive et la loi prévoient également l’incessibilité à la rémunération pour l’exploitation des œuvres sur les plateformes de partage de contenu (du type Youtube) et de streaming (du type Spotify). Ceci est destiné à obvier au phénomène du value gap, soit mettre fin ou réduire la différence entre les revenus immenses tirés de l’exploitation des œuvres protégées (qui est massive sur Internet) par les plateformes et les revenus extrêmement faibles qu’en tirent les auteurs et artistes-interprètes.

      Auparavant, seuls les utilisateurs des plateformes mettaient en cause leur responsabilité lorsqu’ils importaient des œuvres protégées sur les plateformes (ex. : la publication de films complets sur Youtube). Désormais, la plateforme elle-même engage sa responsabilité, si des œuvres protégées sont importées sur ses serveurs, sauf si elle démontre avoir négocié, avec l’auteur ou l’artiste-interprète, l’obtention d’une autorisation au téléchargement de ces œuvres.

  • Conclusion

    Par les mesures qu’il a prises, le législateur belge a veillé, comme l’y enjoignait le Parlement européen, à ce que les auteurs et artistes-interprètes puissent obtenir une rémunération plus juste et plus équitable, en particulier, dans l’environnement numérique.