LP 29 mars 2012 - mesures sociales

 
LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE SOCIALE : PRINCIPALES MESURES CONTENUES DANS LA LOI PROGRAMME DU 29 MARS 2012

1.    Responsabilité solidaire pour le paiement de la rémunération
 
Cette mesure concernera les travaux et les services à définir par arrêté royal (après avis unanime des commissions ou sous-commissions paritaires compétentes, sinon par le Conseil national du travail ; à défaut d’unanimité à ce niveau, l’arrêté royal devra être délibéré en Conseil des ministres). Ne sont pas visés les donneurs d’ordre personnes physiques qui font réaliser ces activités à titre purement privé.
 
Dans ces secteurs, l’inspection sociale aura le pouvoir de notifier par écrit aux donneurs d’ordres, aux entrepreneurs et sous-traitants l’existence, dans le chef d’un entrepreneur ou sous-traitant auquel est confiée tout ou partie de la réalisation des activités en cause, d’un manquement grave à leur obligation de payer dans les délais la rémunération due à leurs travailleurs. Cette notification doit contenir une série d’informations relatives aux travailleurs concernés, la partie non payée de leur rémunération, etc.
 
Le destinataire d’une telle notification devient solidairement responsable du paiement de la rémunération exigible par les travailleurs concernés à l’expiration d’un délai de 14 jours ouvrables après la notification, et ce durant maximum un an. Cette responsabilité oblige de procéder au paiement de la rémunération en cause (et des cotisations sociales y relatives, selon des modalités à définir), après sommation par lettre recommandée adressée :
  • soit par un des travailleurs concernés (sauf si le responsable solidaire prouve que ce travailleur n’a fourni aucune prestation dans le cadre des activités qu’il a fait effectuer, ou démontre, par exemple par le biais d’un système d’enregistrement des prestations, que ce travailleur n’y a consacré qu’un nombre limité et bien déterminé d’heures),
  • soit par l’inspection sociale (qui détermine alors la partie de la rémunération impayée afférente aux travaux que le destinataire de la sommation a fait réaliser).
Le paiement doit intervenir dans les cinq jours ouvrables de la sommation (date à partir de laquelle courent les intérêts de retard au taux légal).
 
Tant le destinataire de la notification que l’employeur concerné (qui en reçoit la copie) sont obligés d’en afficher une copie à chaque endroit où sont occupés des travailleurs et où sont réalisées les activités en cause.
 
Le non-paiement de la rémunération à laquelle le destinataire de la notification est tenu et l’absence d’affichage de la notification de l’inspection sont sanctionnés pénalement (amende de 150 à 3.000 EUR).
 
Les donneurs d’ordre et entrepreneurs actifs dans les secteurs concernés seront donc bien inspirés de prévoir, dans le contrat qui les lient à leur entrepreneur ou à leurs sous-traitants, une clause régissant les conséquences d’une telle notification par l’inspection sociale (par exemple la possibilité de rompre unilatéralement le contrat d’entreprise, voire en faire une condition résolutoire, permettant ainsi d’échapper à la responsabilité solidaire). Un arrêté royal pourra déterminer les conditions auxquelles de telles dispositions contractuelles doivent satisfaire.
 
 
2.    Responsabilité solidaire concernant les dettes sociales et fiscales : instauration d’une « responsabilité subsidiaire » et élargissement du régime
 
La loi permet d’étendre à d’autres secteurs d’activités le régime de responsabilité solidaire des dettes sociales et fiscales déjà bien connu dans le secteur de la construction (travaux dits immobiliers), où toute personne qui s’adresse à un entrepreneur de travaux ou un sous-traitant ayant des dettes sociales (sont principalement visées les dettes à l’ONSS) au moment de la conclusion du contrat d’entreprise, peut être déclarée solidairement responsable du paiement des dettes sociales de son coconctractant (régime de l’article 30bis de la loi du 27 juin 1969). Cette responsabilité solidaire s’applique aux dettes du cocontractant qui naîtraient en cours d’exécution du chantier, mais se limite au prix total des travaux confiés. Le donneur d’ordre ou l’entrepreneur peuvent échapper à cette responsabilité solidaire en procédant, lors de chaque paiement de sommes dues au cocontractant ayant des dettes sociales, à une retenue et au versement à l’ONSS de 35 % du montant dû (hors TVA). Un régime identique existe, dans le secteur de la construction, pour les entrepreneurs et sous-traitant ayant des dettes fiscales (le montant de la retenue s’élève à 15 % hors TVA du montant dû).
 
 
La loi programme du 29 mars 2012 contient trois nouveautés importantes :
 
  •  L'article 30bis précité est complété pour instaurer, dans le secteur de la construction, un mécanisme de « responsabilité subsidiaire » : les donneurs d’ordre et les entrepreneurs ne sont plus seulement susceptibles d’être tenus solidairement aux dettes sociales et fiscales de l’entrepreneur ou du sous-traitant auquel ils auront fait directement appel, mais également aux dettes sociales et fiscales de sous-traitants auxquels leur cocontractant auront eux-mêmes fait appel ! Le donneur d’ordre (maître d’ouvrage) et chaque entrepreneur (qu’il s’agisse de l’entrepreneur général ou de chacun des sous-traitants) peuvent donc désormais être tenus au paiement des dettes sociales et fiscales de n’importe quel sous-traitant intervenant dans la chaîne des entreprises présentes sur un chantier. Il s’agit d’un mécanisme « en cascade » : cette responsabilité « subsidiaire » s’exerce successivement à l’égard des entrepreneurs intervenant à un stade précédent, lorsque l’entrepreneur qui a fait appel au sous-traitant défaillant s’est abstenu d’acquitter les sommes qui lui sont réclamées dans les 30 jours de la signification d’un commandement ; la loi ne contient malheureusement pas d’autres précisions à ce sujet. Cette mesure, destinée à combattre une pratique par laquelle l’intervention d’une société « boite vide » dans la chaîne des entrepreneurs permettait à certains commettants de contourner la législation, accroît encore l’importance capitale que revêt la déclaration obligatoire à son commettant de l’identité des sous-traitants auxquels chaque entrepreneur de la chaîne contractuelle confie la réalisation de travaux. La loi ne prévoyant pas l’information du donneur d’ordre et des entrepreneurs de la signification d’un commandement à l’un des sous-traitants intervenant sur le chantier, il paraît opportun de prévoir cette hypothèse lors de la conclusion des conventions d’entreprise (en prévoyant par exemple et à tout le moins une obligation d’information immédiate du commettant).
 
  • Par le rétablissement d’un article 30ter dans la loi du 27 juin 1969, un régime de responsabilité solidaire des dettes sociales (parfaitement similaire à celui en vigueur dans la construction) est instauré dans d’autres secteurs d’activités, qui devront ici aussi être définis par arrêté royal après avis unanime des partenaires sociaux (les travaux préparatoires et les commentateurs évoquent notamment les secteurs de la viande, de l’horeca et du gardiennage). A l’instar de la réglementation applicable dans le secteur de la construction, un système de déclaration des activités à l’ONSS est également prévu, tout comme le nouveau mécanisme de responsabilité « subsidiaire ». Toutes les modalités pratiques de ce régime de responsabilité solidaire doivent faire l’objet d’arrêtés royaux d’exécution et pourront sur certains points varier d’un secteur à l’autre.

 

  • Conséquence logique de l’élargissement du régime à divers secteurs d’activités, toute personne qui justifie d’un intérêt légitime pourra désormais obtenir de l’ONSS, en formant sa demande par simple lettre (et non plus nécessairement par recommandé), la communication dans le mois du montant de la dette sociale à charge d’un employeur nommément désigné. La loi invite l’ONSS à mettre des banques de données à disposition pour permettre à tout moment aux donneurs d’ordre et entrepreneurs de vérifier s’ils sont dans l’obligation de pratiquer des retenues sur les factures présentées par son cocontractant employeur. Pour chaque type de responsabilité solidaire, un arrêté royal pourra fixer un montant à partir duquel la facture présentée peut être accompagnée d’une attestation mentionnant le montant de la dette afin de limiter la retenue à ce montant.
 
 
3.    Sanction du non-respect des horaires à temps partiel
 
Désormais, à défaut pour l’employeur de respecter les obligations prévues en matière de travail à temps partiel (mesures d’inscription et de publicité des horaires, notamment par affichage, enregistrement des dérogations à ces horaires), les travailleurs à temps partiel seront présumés, sauf preuve du contraire, avoir effectué leurs prestations dans le cadre d’un contrat de travail à temps plein.
 
Jusqu’à présent, ces travailleurs étaient présumés avoir effectué leurs prestations dans le cadre des horaires ayant fait l’objet des mesures de publicités (ce qui permettait une pratique consistant à afficher des horaires fictifs, artificiellement limités, sur base desquels la régularisation était calculée).
 
Avocat(s)