L’action récursoire en RC auto et l’exigence du lien causal – 3 pas en avant…

L’art. 25, 3° du contrat type (annexe de l’Arrêté royal du 24 décembre 1992) permet à une compagnie d’assurance d’exercer un recours contre le preneur d’assurance ou contre l’assuré, notamment lorsque le véhicule est conduit par une personne ne satisfaisant pas aux conditions prescrites par la loi et au règlement belge pour pouvoir conduire ce véhicule.
 
La jurisprudence et la doctrine majoritaire semblaient admettre que l’exercice de cette action récursoire ne nécessitait pas de relation causale entre le manquement à la loi et au règlement belge pour pouvoir conduire ledit véhicule, et l’accident.
 
Certaines juridictions de fond avaient d’ores et déjà fait le pas, en exigeant que la compagnie d’assurance qui exerce cette action récursoire apporte la preuve d’un lien entre le manquant invoqué, souvent purement administratif, et l’accident (qu’il s’agisse du non-respect de l’âge légal, de l’absence d’obtention d’un permis, de l’absence de réalisation des formalités administratives pour transformer un permis étranger en permis belge,…).
 
Une décision du Tribunal de Première Instance de Liège a ainsi considéré que l’exécution de bonne foi des conventions, consacrée par l’art. 1134 du Code civil, interdit à la compagnie d’assurance d’abuser de son droit d’exercer une action récursoire lorsque « l’on retire un avantage disproportionné par rapport la charge corrélative de l’autre partie ». Il était question de la conduite non autorisée d’un cyclomoteur avec passager. D’autres décisions ont emboîté le pas.
 
Par un arrêt du 17 février 2012, la Cour de cassation a considéré que «  dès lors que le manquement de l’assuré est purement formel, il n’ajoute pas à l’article 25, 3°b et du contrat type une condition que celui-ci ne contient pas, mais considère que dans les circonstances de la cause d’exercice par l’assureur du droit de recours prévu dans cette clause du contrat type est constitutive d’un abus de droit ».
 
La Cour de cassation semble ainsi valider ce raisonnement, exigeant, pour tout « manquement formel » justifiant une action récursoire de prouver la causalité entre ce manquement et l’accident. Le Tribunal d’appel avait en effet considéré que cette action récursoire était soumise à l’art. 11 de la loi sur le contrat d’assurance terrestre, de sorte qu’il appartenait à l’assureur de prouver le lien causal entre le manquement de son assuré et le dommage. Force est de constater que la Cour de cassation ne sanctionne nullement cette décision à cet égard.
 
Cet arrêt semble en d’autres termes ouvrir la porte à l’exigence de la présence d’un lien causal dans les actions récursoires, par le recours à la théorie de l’abus de droit et au principe d’exécution de bonne foi des conventions. L’on ne manquera pas de s’en étonner, puisque, si l’action récursoire a effectivement une base contractuelle, elle a également une base réglementaire qui résulte du contrat-type, annexé à l’Arrêté royal du 24 décembre 1992, qui ne contient pas cette exigence de lien causal.
 
Cette exigence de lien causal ne semble cependant être formulée, par la Cour de cassation, que pour « les manquements purement formels ». Il s’agit donc, principalement, de manquements administratifs, non-transcription d’un permis étranger, non-détention d’un permis, obtenu, resté à l’Administration communale mais cependant obtenu,… Les autres hypothèses ne semblent donc pas être visées.
 
L’on s’interrogera également sur les conséquences de cette jurisprudence qui a pour conséquence de ne plus entraîner de sanction civile lors de tels manquement considérés comme formels, dès lors que la charge de la preuve du lien causal entre ce manquement administratif et l’accident, qui repose sur l’assureur est, particulièrement lourde. Pourquoi alors maintenir, dans le contrat-type, la possibilité d’exercer une action récursoire dans cette hypothèse ?
 
Cette jurisprudence reste cependant tâtonnante.
 
Par un arrêt du 13 septembre 2012 (C.11.051.F/10), la Cour de Cassation a en effet considéré, dans l’hypothèse d’une action récursoire exercée sur la base de l’article 5, 3°, alinéa 1er b du contrat type (ne pas avoir respecté les conditions prescrites par la loi et les règlements belges pour pouvoir conduire un véhicule),que « cette disposition ne prévoit aucune autre condition d’application que le non-respect des règlements, le recours de l’assureur contre l’assuré n’est pas subordonné à la condition que le non-respect de la loi ou des règlements est en lien causal avec l’accident.
L’article 11 de la loi du 25 juin 1992 sur les contrats d’assurance terrestre en vertu duquel le contrat d’assurance ne peut prévoir la déchéance totale ou partielle du droit à la prestation d’assurance qu’en raison de l’inexécution d’un obligation imposée par le contrat est sans incident sur cette règle, dès lors que le recours de l’article 25, 3°, alinéa 1er b du contrat type n’est pas fondé sur une obligation imposée par le contrat d’assurance mais sur la violation d’une obligation légale. En affirmant le contraire, le jugement attaqué violait les articles précités ».
 
Par cet arrêt, la cour semble donc se tenir (ou revenir) à sa position initiale, sous toutes réserves bien entendu…
 
Les plaideurs conservent donc manifestement de nombreux arguments…
Avocat(s)