La récupération des frais de conseil technique

À l’occasion d’un litige présentant des particularités ou des difficultés techniques, les parties sont régulièrement contraintes de faire appel à un conseiller technique spécialisé afin de les éclairer et de les assister au cours de la procédure.
 
Les frais de conseil technique peuvent-ils être récupérés par la partie qui emporte le procès, à la charge de la partie succombante ?
 
Depuis son arrêt du 28 février 2002, la Cour de cassation estime que ces frais constituent un élément du dommage et peuvent, à ce titre, être récupérés sur la base de l’article 1382 du Code civil. La Cour a rappelé cette position dans un arrêt du 2 septembre 2004, indiquant expressément que les frais de conseil technique ne font pas partie des dépens mais constituent bien un élément du dommage
 
La récupération de ces frais étant basée sur l’article 1382 du code civil, les conditions d’application en sont les mêmes et sont requis : une faute, un dommage et un lien causal entre la faute et le dommage. Une quatrième condition, partiellement contenue dans la troisième mais présentant néanmoins certaines particularités propres, réside dans la nécessité de faire appel à un conseil technique (ces frais ne peuvent être récupérés, à charge de la partie succombante, que dans la mesure où le demandeur apporte la preuve qu’ils ont été nécessaires en vue de faire valoir ses droits à l’indemnisation de son préjudice).
 
La condition de la présence d’une faute ne pose pas de problème particulier lorsque le remboursement des frais de conseil technique est sollicité par le demandeur qui revendique la réparation d’un dommage et qui inclut les frais de conseil techniques dans celui-ci.
 
La question est toutefois plus délicate lorsque c’est le défendeur qui réclame le remboursement des frais de conseil technique qu’il a dû exposer dans le cadre de la procédure.
 
En effet, l’aboutissement, couronné de succès, d’une action en responsabilité démontre une faute dans le chef du défendeur. Par contre, le rejet d’une telle action n’implique pas la présence d’une faute dans le chef du demandeur…
 
Le défendeur qui a obtenu gain de cause, pour récupérer les frais de conseil technique à charge du demandeur l’ayant injustement assigné, doit donc soit prouver que l’introduction même de l’action est fautive soit introduire une action reconventionnelle dans laquelle il invoque une faute (contractuelle ou non) commise par le demandeur originaire.
 
La Cour de cassation a rappelé ce principe avec vigueur le 1er mars 2012, estimant que « les frais de défense nécessaires qui ne concernent pas l’assistance d’un avocat, mais l’assistance d’un conseil technique, sont, (…), pris en considération en vue d’une indemnisation en cas de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle. »
La Cour d’appel de Bruxelles qui avait, « eu égard au caractère technique de la cause », admis la nécessité de faire appel à un conseil technique et en avait déduit que « la demanderesse, en tant que partie succombante, est tenue de rembourser ces frais ».
 
La Cour de cassation a estimé qu’ « en décidant ainsi, sans constater l’existence d’une responsabilité contractuelle ou extracontractuelle dans le chef de la demanderesse, les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision ».
 
Il convient donc d’être attentif à ces frais et de les inclure dans la demande mais également, en certaines hypothèse, dans le calcul de risque préalable à l’introduction d’une action en justice.