La faute grave commise en matière professionnelle

 
L’article 45 §2, d, de la directive 2004/18 du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services dispose que peut être exclu de la participation au marché tout opérateur économique qui, en matière professionnelle, a commis une faute grave constatée par tous moyens dont les pouvoirs adjudicateurs pourront justifier.
 
La Cour de justice a eu l’occasion de préciser la notion de faute grave en matière professionnelle visée à l’article 45 §2, d, de la directive (article 61 de l’arrêté royal du 15 juillet 2011 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques).
 
Dans l’arrêt FORPOSTA (C.J.C.E., 13 décembre 2012, affaire C465/11), il était question d’une règlementation nationale polonaise prévoyant qu’il y avait faute grave en matière professionnelle lorsqu’en raison de circonstances imputables à un opérateur économique, le pouvoir adjudicateur a résilié ou dénoncé un précédent contrat de marché public pour autant que cette résiliation soit intervenue dans un délai de trois ans avant l’ouverture de la procédure en cours et que le montant de la partie du marché public qui n’a pas été exécutée s’élève au moins à 5 % du montant total de ce marché.
 
La Cour de justice relève que la notion de faute en matière professionnelle couvre tout comportement fautif qui a une incidence sur la crédibilité professionnelle de l’opérateur en cause et non pas seulement les violations de normes de déontologie au sens strict de la profession à laquelle appartient cet opérateur qui seraient constatées par l’organe de discipline prévu dans le cadre de cette profession par une décision juridictionnelle ayant autorité de chose jugée.
 
L’inobservation par un opérateur économique de ses obligations contractuelles dans le cadre d’un marché antérieur peut donc en principe être considérée comme une faute commise en matière professionnelle.
 
Néanmoins, la notion de « faute grave » doit être comprise comme se référant normalement à un comportement de l’opérateur économique en cause qui dénote une intention fautive ou une négligence d’une certaine gravité de sa part. Ainsi, toute exécution incorrecte, imprécise ou défaillante d’un contrat ou d’une partie de ce dernier peut éventuellement démontrer une compétence professionnelle limitée de l’opérateur en cause mais n’équivaut pas automatiquement à une faute grave.
 
En outre, la constatation de l’existence d’une faute grave nécessite en principe que soit effectuée une appréciation concrète et individualisée de l’attitude de l’opérateur économique concerné.
 
En assimilant à la notion de faute grave toute circonstance imputable à l’opérateur économique ayant entrainé la résiliation d’un marché antérieur, sans laisser au pouvoir adjudicateur la faculté d’apprécier au cas par cas la gravité du comportement, l’Etat polonais a excédé la marge d’appréciation dont disposent les Etats membres en vertu de l’article 45 §2.
Avocat(s)