Covid-19: Impact sur les baux

les baux

L’apparition de la maladie infectieuse COVID-19 en Europe a nécessité la prise de mesures exceptionnelles par les différents Etats touchés et ce, en vue d’endiguer la progression de cette maladie. 

La Belgique fait partie des Etats ayant imposé des mesures drastiques comme le confinement, la fermeture des restaurants, des universités, des magasins, etc… 

Se pose désormais entre autres la question de savoir quels sont les impacts de telles mesures en matière de bail. Les locataires peuvent-il faire état de mesures imposées par le gouvernement pour postposer ou supprimer temporairement l’obligation de paiement d’un loyer ?

 

  • Eléments juridiques- Dispositions légales

    L’article 1134 du Code civil prévoit que chaque partie doit exécuter les obligations pour lesquelles elle s’est engagée par contrat à défaut de quoi, l’autre partie pourra soit exiger l’exécution des obligations du fautif, soit demander la résolution du contrat à ses torts. 

    Les articles 1147 et 1148 du Code civil prévoient quant à eux que le débiteur sera condamné au paiement de dommages et intérêts en cas d’inexécution de ses obligations sauf à démontrer que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée comme par exemple le cas de force majeure ou le fait du prince. 

    La force majeure se définit comme étant un événement à caractère insurmontable, et selon certains, imprévisible, indépendant de toute faute du débiteur de l’obligation et qui empêche ce dernier d'exécuter son obligation. Généralement, en droit belge, il s’agit d’événements apparaissant sans intervention humaine apparente (événements atmosphériques, maladie, fait du prince, …).
    Le fait du prince peut quant à lui être défini comme tout acte de l’autorité publique qui empêche juridiquement les contractants d'effectuer les prestations auxquelles ils sont tenus contractuellement (impossibilité juridique).


  • Quel impact des décisions gouvernementales sur les baux étudiants ?

    La théorie du fait des princes et celle de la force majeure justifient toutes les deux le non-paiement du loyer par l’étudiant.

     
    • Concernant la théorie du fait du prince

      L’article 8 de l’arrêté ministériel du 23 mars 2020 indique que « Chacun doit rester chez soi ». 

      Se pose dès lors la question suivante : que faut-il entendre par « chez soi » ?

      Il est permis à cet égard d’en référer à la version néerlandaise de l’arrêté qui indique « De personen zijn er toe gehouden thuis blijven ».  « Thuis » signifie « à la maison, chez soi ». Le concept de « kot » ne recouvre pas celui de « maison » et il en va de même, mutatis mutandis, à propos du concept de « résidence secondaire ». Les propriétaires de résidence secondaire doivent rester chez eux, soit au lieu de leur résidence principale. La résidence principale d’un étudiant, sauf exception, ne constitue jamais son kot, mais son domicile. Dès lors que les activités dans les universités sont suspendues et remplacées par l’enseignement à distance, les étudiants sont tenus de rentrer chez eux, soit à la maison, ce qui est logique et conforme à la volonté du pouvoir exécutif de limiter la propagation du virus.

      Les étudiants se trouvent donc par l’effet de l’ordre de la loi dans l’impossibilité de jouir du bien qu’ils ont loué et ils ne doivent dès lors pas en payer le loyer, ni les charges.


    • Concernant la théorie de la force majeure

      Il peut également être fait application de la théorie de la force majeure pure et simple, la cause libératoire étant constituée, cette fois, par le coronavirus lui-même, dont la dangerosité bien connue est invoquée par le pouvoir exécutif pour justifier les mesures prises pour limiter sa propagation.

      En substance, la possibilité pour l’étudiant d’occuper normalement son kot, c’est-à-dire sans risque pour sa santé, n’existant plus actuellement, l’obligation corrélative de payer le loyer n’existe plus temporairement, soit durant le temps de l’épidémie. Les charges ne pourront pas non plus être réclamées. 


  • Quel impact des décisions gouvernementales sur les baux commerciaux ?

    Concernant les baux commerciaux, il nous semble que l’argumentaire repris supra trouve également à s’appliquer. 

    Cependant, il est important de souligner que la théorie du fait du prince et celle de la force majeure ne pourra pas être soulevée par toutes les sociétés locataires d’une surface commerciale en Belgique, mais uniquement par celles à qui une obligation de fermeture a été imposée puisque de facto ces sociétés sont dans l’impossibilité de jouir de leur commerce et ne doivent dès lors pas en payer le loyer. 

    Pour les autres sociétés, le critère de l’impossibilité d’utilisation de la surface commerciale n’étant pas justifié, une suspension du loyer ne pourra être réclamée. Il reste cependant permis au locataire et au bailleur de se mettre d’accord sur la suspension/le report du paiement dudit loyer. Il est alors important de confirmer cet accord par un écrit signé par l’ensemble des parties. 


  • Quel impact des décisions gouvernementales sur les baux de résidence ?

    En ce qui concerne les baux de résidence, la théorie de la force majeure ou du fait du prince ne peut trouver à s’appliquer. 

    Il n’est en effet pas interdit aux locataires de profiter de leur résidence que du contraire puisqu’il leur est demandé de ne pas quitter leur domicile. De ce fait, une suspension du paiement du loyer ne se justifie aucunement. 

    Par contre, il reste une nouvelle fois toujours possible pour le locataire de trouver un accord avec son bailleur pour repousser le paiement de son loyer. Il faudra alors à nouveau veiller à retranscrire ledit accord dans un écrit signé par les parties et ce, afin de prévenir tout litige. 

    Il est également important d’indiquer que les gouvernements régionaux ont tous imposé un moratoire concernant les expulsions judiciaires :

    • En Région de Bruxelles-Capitale, les expulsions sont interdites jusqu’au 3 avril prochain,
    • En Région wallonne, le moratoire a été imposé jusqu’au 5 avril 2020.

    Il y a bien entendu fort à penser que ces mesures seront prolongées tout comme les mesures de confinement. 
     

 

 

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