Application des critères de la jurisprudence "Antigone" en matière civile

Antigone

Désormais, en matière civile, une preuve obtenue illégalement ne pourra être écartée que si une disposition expresse de la loi le prévoit ou si l’obtention de la preuve porte atteinte à la fiabilité de celle-ci ou compromet le droit à un procès équitable.

La Cour de cassation a admis, dès le 14 octobre 2003, dans un arrêt de principe en matière pénale ("Antigone") qu’une preuve obtenue illégalement ne peut être prise en considération si : 

  • le respect de certaines conditions de forme est prescrit à peine de nullité, ou 
  • l’irrégularité commise a entaché la crédibilité de la preuve, ou
  • l’usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable

Cet enseignement a été confirmé à plusieurs reprises et a été coulé en force de loi dans le titre préliminaire du Code d’instruction criminelle. 

En matière civile, la situation était, jusqu’il y a peu, assez incertaine. En effet, la Cour de cassation avait certes appliqué ces critères en matière civile, mais il s’agissait de matières d’ordre public (par exemple en matière d’allocations de chômage). 

Doctrine et jurisprudence étaient partagées entre l’application de ces critères en matière civile, l’application récente du RGPD agrandissant par ailleurs le champ des possibles contestations des modes de preuves. 

Le législateur est resté muet sur la question, malgré l’entrée en vigueur du Livre 8 du Nouveau Code civil relatif à la preuve.  

Le 14 juin 2021, la Cour de cassation a mis fin à cette incertitude.

La cause examinée par la Cour de cassation portait sur un contrat de vente de véhicules entre particuliers (dont l’un d’eux entendait produire un enregistrement réalisé à l’insu de son interlocuteur), ce qui dissipe toute controverse quant à l’applicabilité des critères "Antigone" en matière civile, que la cause soit d’ordre public ou porte sur des intérêts privés. 

Ainsi, pour la Cour, en matière civile, une preuve obtenue illégalement peut être utilisée en justice sauf si : 
•    une disposition expresse de la loi prévoit le contraire, ou
•    l’obtention de la preuve porte atteinte à la fiabilité de celle-ci, ou
•    l’obtention de la preuve compromet le droit à un procès équitable

Il y a en outre lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce : la juridiction appelée à statuer devra se livrer à un examen de proportionnalité pour admettre ou rejeter la preuve.