Action récursoire : paiements successifs de l’assureur et prescription

paiements successifs

Le 29 octobre 2018, la Cour de cassation a rendu à ce sujet, un arrêt qui mérite que l’on s’y attarde.

Dans les faits, un assuré cause un accident de la circulation aux conséquences dommageables importantes, alors qu’il se trouvait en état d’ivresse et en défaut de permis de conduire. 

L’assureur effectue ses premiers décaissements en faveur des personnes lésées le 25 avril 1996. Dûment informé des intentions de recours de son assureur, l’assuré effectue des remboursements mensuels de novembre 1996 au 5 juin 1998, date du dernier versement.

L’assureur introduit son action récursoire par citation du 1er juin 2001. Dans son acte introductif d’instance, il réclame le paiement de ses débours de 1996 et demande à sursoir à statuer sur le solde, évalué pour le tout et sous toutes réserves à 1.500.000 BEF. La cause est renvoyée au rôle.

L’assureur poursuit alors l’indemnisation des personnes lésées et effectue des versements en mars 2002, juin 2002, mai 2005, mai 2011 et juin 2012. L’assureur formalise une réclamation pour ces débours (sous déduction des paiements effectués par l’assuré avant citation), par conclusions déposées au greffe le 23 septembre 2015, 

L’assuré soutient que les débours réclamés sont prescrits, plus de trois années s’étant écoulées entre le(s) moment(s) du (des) décaissement(s) et celui de la réclamation. Le juge d’instance, puis le juge d’appel rejettent l’argument de la prescription pour faire droit à la réclamation intégrale de l’assureur.

L’assuré se pourvoit en cassation contre cette décision, maintenant l’argument de la prescription.

Dans son arrêt prononcé le 29 octobre 2018 (C.18.0212.F), la Cour suprême casse la décision attaquée.

En synthèse, la Cour rappelle qu’en vertu de l’article 2244 du Code civil, une citation en justice interrompt la prescription jusqu’à la prononciation d’une décision définitive. Elle précise que cet effet interruptif ne saurait se produire avant que le délai de prescription ait pris cours.

En matière d’action récursoire de l’assureur contre l’assuré, l’article 34 §3 de la loi du 25 juin 1992, devenu l’article 88 §3 de la loi du 4 avril 2014, prévoit que cette action se prescrit par trois ans à compter du jour du paiement par l’assureur, le cas de fraude excepté.

Il est par ailleurs acquis que lorsque l’action a pour objet le remboursement de paiement successifs, c’est la date de chacun des paiements qui détermine le point de départ de la prescription triennale.

Il s’en suit, selon la Cour, que la prescription de l’action récursoire relative à des paiements intervenus postérieurement à la citation introductive d’instance ne peut être interrompue par cette citation. Seules les conclusions étendant la demande originaire au remboursement de ces montants peuvent avoir pareil effet interruptif, ce qui nécessite donc de les déposer avant l’expiration du délai de trois ans à compter du décaissement qu’elles visent.

La Cour de cassation casse ainsi le raisonnement consistant à soutenir que la citation a interrompu la prescription de l’action récursoire non seulement pour la somme provisionnelle déjà décaissée et demandée dans cette citation, mais aussi pour toutes sommes réclamées ultérieurement, au motif qu’il aurait été demandé de réserver à statuer quant au surplus de la demande.

En d’autres termes, la citation n’interrompt pas la prescription pour les sommes non encore payées par l’assureur, qui ne sont pas exigibles et pour lesquelles le délai de prescription n’a pas pris cours. Le délai de prescription ne peut en effet courir avant la naissance de l’action récursoire, laquelle nait à dater de chacun des paiements fait par l’assureur.

En conclusion, les assureurs seront bien avisés de garder à l’œil la date exacte de chacun de leurs débours, de manière à pouvoir formaliser une réclamation pour chacun d’eux, avant l’expiration du délai de 3 ans qui commence à courir à dater du décaissement.
 

Avocat(s)