Action en justice au nom de la commune : du nouveau en Flandre.

Action en justice

Par deux arrêts du 10 octobre 2019, la Cour constitutionnelle annule, d’une part, les articles 56, §3, 9° , 297, §1er et 577, 23° et 50° du décret flamand du 22 décembre 2017 « sur l’administration locale » (arrêt n° 129/2019), et, d’autre part, l’article 148 du décret de la Région flamande du 6 juillet 2018 « modifiant diverses dispositions du Décret provincial du 9 décembre 2005 » (arrêt n° 131/2019). 

Ces deux arrêts concernent le droit pour un habitant d’ester en justice au nom d’une commune ou d’une province lorsque cette dernière omet d’agir en justice, à condition que ce citoyen garantisse « de supporter personnellement les frais de procédure ainsi que d’assurer la condamnation à des dommages et intérêts ou une amende pour procédure téméraire et vexatoire ou pour un recours qui pourrait être prononcé », disposaient l’article 194 du décret communal du 15 juillet 2005 et l’article 187 du décret provincial du 9 décembre 2005, tous deux abrogés par les dispositions attaquées.

Si la Cour a été saisie de deux recours distincts, qui exposent toutefois des moyens similaires, elle analyse ceux-ci avec le même raisonnement. 

Tout d’abord, la Cour souligne qu’actuellement, il existe un regain d’intérêt pour le droit d’agir en justice au nom de la commune ou de la province depuis l’instauration de l’action en cessation environnementale par la loi du 12 janvier 1993. Cette action en cessation permet à une autorité administrative ou une personne morale ayant dans son objet social la protection de l’environnement, qui constate une violation manifeste ou une menace grave de violation de dispositions relatives à la protection de l’environnement, de saisir le président du tribunal de première instance afin qu’il ordonne la cessation de l’acte.  La notion d’autorité administrative recouvre les communes et les provinces. Dès lors, cette disposition permet à une commune ou à une province d’introduire une action en cessation en vue de protéger l’environnement, pour autant que la protection de cet aspect  de l’environnement relève de sa compétence. La commune ou la province est réputée avoir un intérêt à cet égard et ne doit, par conséquent, pas justifier d’un intérêt propre pour introduire ce type particulier d’action judiciaire. Lorsqu’un habitant agit au nom de la commune ou de la province, il agit en tant que représentant de cette dernière. Par conséquent, il ne doit pas non plus justifier d’un intérêt propre. 

Ensuite, la Cour rappelle sa jurisprudence sur le droit d’action des habitants. Ainsi, elle a déjà jugé qu’un habitant d’une commune peut intenter une action en cessation au nom de cette commune, même si l’acte contesté est conforme à une autorisation ou à un avis favorable de cette commune (arrêts n° 70/2007 du 26 avril 2007 et 121/2007 du 19 septembre 2007). Une telle action n’empêche pas que le collège des bourgmestre et échevins ait le droit de choisir lui-même un conseil et de le désigner (arrêt n° 29/2011 du 24 février 2011). Dans le même sens, une telle action permet à la commune d’exposer son propre point de vue dans l’instance introduite par le citoyen et, le cas échéant, de contester la demande de l’habitant (arrêt n° 60/2016 du 28 avril 2016).

Après le rappel de sa jurisprudence, la Cour revient sur l’affaire qui lui est soumise. Elle analyse les dispositions attaquées au regard de l’article 23, alinéa 3, 4° de la Constitution qui consacre le droit à la protection d'un environnement sain. Elle estime qu’en raison de l’usage fréquent de l’action en cessation environnementale par les habitants au nom de la commune, cette action relève du champ d’application de la disposition constitutionnelle. La Cour considère qu’en abrogeant la possibilité d’agir en justice au nom de la commune, les dispositions attaquées réduisent significativement le degré de protection existant, ce qui est contraire à l’obligation de standstill contenue par l’article 23 de la Constitution. 

Dès lors, la Cour doit examiner si la mesure prise par les décrets flamands est justifiée par des motifs d’intérêt général. Le Gouvernement flamand estime que la ratio legis du droit des habitants d’agir au nom d’une commune est dépassée (B.9.1.), que cette action pourrait permettre de contourner une décision de ne pas ester en justice, prise par un organe démocratique (B.10.1), qu’il existe d’autres instruments juridiques afin de sauvegarder un droit subjectifs, un intérêt personnel ou un intérêt collectif (B.11.1) et que les associations environnementales ont déjà cette possibilité d’agir en justice en vue de sauvegarder un intérêt collectif (B.11.4.). La Cour rejette les quatre arguments avancés par le Gouvernement et conclut à l’annulation des dispositions attaquées. 

En outre, la Cour refuse de limiter l’annulation au droit des habitants d’agir en justice pour sauvegarder l’environnement considérant que « l’obligation de standstill est applicable en ce qui concerne non seulement le droit à la protection d’un environnement sain, mais aussi tous les autres droits mentionnés dans l’article 23 de la Constitution. Il appartient au législateur décrétal, lorsqu’il souhaite limiter le droit d’action des habitants, de tenir compte de cette dispositions ainsi que des articles 10 et 11 de la Constitution » (considérant B.14).

Cette possibilité d’agir au nom de la commune existe en Région wallonne et en Région bruxelloise. Il n’existe toutefois pas de telle action pour le niveau provincial.

En Région wallonne, c’est l’article L1242-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (CDLD) qui prévoit la possibilité pour un habitant d' « ester en justice au nom de la commune, en offrant, sous caution, de se charger personnellement des frais du procès et de répondre des condamnations qui seraient prononcées ». L’article précise par ailleurs que « La commune ne pourra transiger sur le procès sans l'intervention de celui ou de ceux qui auront poursuivi l'action en son nom ». 

En Région de Bruxelles-Capitale, l’article 271 §1er de la Nouvelle loi communale reste d’application et n’a pas été modifié par ordonnance. Le contenu de la cette disposition est similaire à l’article L1242-2 du CDLD.
 

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