La XIIème chambre (néerlandophone) du Conseil d’Etat vient, à nouveau, de le confirmer dans un arrêt n° 211.879, du 10 mars 2011. La question n’est pas dénuée d’importance, puisqu’elle permet de déterminer la juridiction compétente – Conseil d’Etat ou cours et tribunaux de l’ordre judiciaire - pour statuer sur un recours en suspension et/ou annulation de décisions relatives à l’attribution d’un marché public.
Suivant la jurisprudence de la Cour de Cassation, sont des autorités administratives "les institutions créées ou agréées par les pouvoirs publics fédéraux, les pouvoirs publics des communautés et régions, des provinces ou des communes, qui sont chargées d'un service public et ne font pas partie du pouvoir judiciaire ou législatif (...) dans la mesure où leur fonctionnement est déterminé et contrôlé par les pouvoirs publics et qu'elles peuvent prendre des décisions obligatoires à l'égard de tiers" (Cass., 14 février 1997, Pas. 1997, I, p. 88).
De ce qu’une société immobilière de service public disposait du pouvoir d’expropriation, le Conseil d’Etat avait déduit qu’elle pouvait être qualifiée d’autorité administrative, ceci même alors qu’en l’espèce l’acte attaqué portait sur une décision d’attribution d’un marché public (C.E., n° 131.120 du 6 mai 2004, S.A PIT ANTWERPEN).
Saisie d’un pourvoi contre un arrêt du Conseil d’Etat qui avait abouti à la même conclusion, au motif que la société de logement de service public en question disposait d’un droit de préemption, la Cour de cassation casse l’arrêt au motif qu'il ne peut être déduit de ce qui précède que ces sociétés de logement social ont été investies du pouvoir de prendre de décisions obligatoires à l'égard des tiers (Cass., 10 juin 2005, C040278N 2005).
L’arrêt n° 211.879, du 10 mars 2011, s’inscrit dans cette voie, en considérant que ni l’exercice d’un droit de préemption, ni la décision d'attribuer un marché public à telle entreprise déterminée plutôt qu'à telle autre ne crée d'obligations à l'égard de tiers.
Certes, certains arrêts se prononcent en un sens différent. Le Conseil d’Etat y a en effet considéré que pouvait être qualifiée d’autorité administrative une entité - telle une société de logements sociaux - crée par les pouvoirs publics et chargée d’une mission de service public, sans qu’il soit besoin de vérifier qu’elle dispose du pouvoir de prendre des décisions obligatoires à l’égard des tiers (C.E., 9 février 2000, n° 85.245, Damoiseau ; C.E., 22 janvier 2008, n° 178.821, Michotte).
Ces arrêts ne sont pas nécessairement contradictoires avec l’arrêt du 10 mars 2011. L’arrêt Michotte s’inscrit en effet dans une jurisprudence aujourd’hui bien établie du Conseil d’Etat suivant laquelle le critère lié à l’exercice d’un pouvoir de décision à l’égard des tiers ne devrait être réuni que dans le chef de personnes morales de droit privé, et non dans le chef d’entité créée et contrôlée par des personnes publiques, lesquelles constitueraient pour cette raison déjà des autorités administratives.
Cela ne remet donc pas en cause la position du Conseil d’Etat quant aux sociétés privées de logement social.