Marchés publics - la Cour constitutionnelle annule l’article 7, al 1er, de la loi du 23 décembre 2009

Par un arrêt n°105/2011 du 16 juin 2011, la Cour constitutionnelle annule l’article 7, al. 1er de la loi du 23 décembre 2009 introduisant un nouveau livre relatif à la motivation, à l'information et aux voies de recours dans la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services, en ce qu’il règle l’entrée en vigueur de l’article 65/15 introduit par la même loi.
 
Les motifs de l’annulation
 
La disposition annulée confiait au Roi la fixation de l’entrée en vigueur de la loi du 23 décembre 2009.
 
Il était reproché à l’article 7, al. 1er de retarder l’entrée en vigueur de l’article 65/15, alors que la directive 2007/66/CE, qui imposait les exigences relatives aux procédures de recours, devait être transposée en droit belge pour le 20 décembre 2009.
 
Selon le Conseil des ministres, confier au Roi la tâche de fixer l’entrée en vigueur de la loi avait pour but de permettre aux pouvoirs adjudicateurs de s’adapter à la nouvelle règlementation qui allait être appliquée.
 
La Cour a rejeté cette justification dans le cas d’espèce, dans la mesure où elle ne concernait pas l’article 65/15 qui a trait à une condition de saisine des juridictions compétentes.
 
 
Conséquences de l’annulation de l’article 7, al.1er de la loi du 23 décembre 2009 ?
 
 
L’annulation de l’article 7, al.1er en ce qu’il règle l’entrée en vigueur de l’article 65/15, a pour conséquence que cet article, à défaut de disposition fixant son entrée en vigueur, est entré en vigueur dix jours après la publication de la loi au Moniteur belge, soit le 7 janvier 2010. 
 
L’article 65/15 de la loi du 24 décembre 1993 règle le recours en suspension contre une décision du pouvoir adjudicateur. Il prévoit que la preuve du préjudice grave et difficilement réparable ne doit pas être apportée mais que l’instance de recours doit tenir compte de la balance des intérêts en présence.
 
Au titre de disposition transitoire, l’article 7, al. 2, de la loi du 23 décembre 2009 prévoit que « Les marchés publics, les marchés et les concours de projets, publiés avant cette date ou pour lesquels, à défaut de publication d'un avis, l'invitation à présenter une demande de participationou à remettre une offre est lancée avant cette date, demeurent soumis aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur au moment de l'avis ou de l'invitation. »
 
Il en résulte que l’article 65/15 est désormais applicable aux marchés publics qui ont été publiés à partir du 7 janvier 2010, et non à partir du 25 février 2010.
 
Le délai de suspension étant de 15 jours à partir de la communication de la décision, il n’est plus possible pour des soumissionnaires évincés lors d’un marché publié entre le 7 janvier et le 24 février 2010 qui voudraient profiter de l’annulation de l’article 7, al. 1er en ce qu’il règle l’entrée en vigueur de l’article 65/15, d’introduire un recours en suspension en extrême urgence
 
Toutefois, dans l’hypothèse où un recours en suspension en extrême urgence aurait été introduit devant le Conseil d’Etat contre une décision d’un pouvoir adjudicateur pour un marché publié entre le 7 janvier et le 24 février 2010, la question des conséquences sur les arrêts rendu suite à ces recours se pose, même si les arrêts concernés sont a priori peu nombreux.
 
Les arrêts qui se fondent spécifiquement, comme dans le cas qui a mené à l’arrêt d’annulation  n°105/2011, sur l’article 7, al.1er de la loi du 23 décembre 2009 pour rappeler que les nouvelles dispositions ne sont pas applicables aux marchés publics publiés entre le 7 janvier et le 24 février 2010 peuvent, en vertu de l’article 17 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, être rétractés. 
 
Mais qu’en est-il des arrêts du Conseil d’Etat relatifs à des marchés publiés entre le 7 janvier et le 24 février 2010 qui auraient rejeté une demande de suspension en extrême urgence pour défaut de préjudice grave et difficilement réparable ?
 
Dans le même ordre d’idées, qu’en est-il des arrêts du Conseil d’Etat relatifs à ces mêmes marchés qui auraient suspendu une décision d’un pouvoir adjudicateur sur base d’un risque de préjudice grave et difficilement réparable mais sans tenir compte de la balance des intérêts ?  
 
Et surtout, dans la mesure où les marchés publics publiés entre le 7 janvier et le 24 février 2010 sont conclus depuis la fin de la procédure en suspension en extrême urgence, quel serait l’intérêt de demander la rétractation de tels arrêts de suspension du Conseil d’Etat ?
 
Il peut être également utile de s’interroger sur les effets de cet arrêt d’annulation sur les autres dispositions de la loi du 23 décembre 2009. Suite à cet arrêt, la disposition réglant la suspension des décisions des pouvoir adjudicateurs est applicable pour les marchés publiés à partir du 7 janvier 2010, mais les dispositions traitant des autres voies de recours, des délais et des instances de recours ne sont applicables qu’aux marchés publiés à partir du 25 février 2010.
 

En conséquence, bien qu’il ne soit plus permis d’introduire un recours en suspension pour les marchés publics publiés entre le 7 janvier et le 24 février 2010, le débat est lancé sur les conséquences de l’arrêt d’annulation n°105/2011.