Coordination sécurité-santé - Arrêt Ghislenghien: importance des obligations du maître de l’ouvrage en matière de sécurité sur les chantiers

Cadre législatif et réglementaire – position du problème :
 
La loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail impose au maître de l’ouvrage de désigner un coordinateur de sécurité et de santé pendant l’élaboration du projet de l’ouvrage, pour un chantier où plusieurs entrepreneurs exécuteront des activités (article 16.1 de la loi). Il en va de même en phase de réalisation de l’ouvrage (article 21.1 de la loi).
 
Les articles 7 et 17 de l’AR du 25 janvier 2001 sur les chantiers temporaires ou mobiles mettent en outre à charge du maître de l’ouvrage, chargé de la désignation du coordinateur sécurité et santé, un certain nombre d’obligations corollaires.
 
Ainsi, le maître de l’ouvrage doit veiller à ce que le coordinateur sécurité :
 
-       remplisse entièrement et correctement sa mission
-       reçoive les informations nécessaires à l’exécution de sa mission
-       remette à la fin de sa mission les documents de coordination
 
La question de l’étendue de ses obligations à charge du maître de l’ouvrage est analysée dans le détail par la Cour d’appel de Mons dans son arrêt du 28 juin 2011 relatif à l’accident de Ghislenghien.
 
 
Enseignements et analyse de l’arrêt Ghislenghien :
 
Dans son arrêt du 28 juin 2011, la Cour d’Appel de MONS a estimé que le maître de l’ouvrage avait notamment failli à son obligation d’informer le coordinateur sécurité santé des modifications apportées au projet en cours d’exécution. Il s’agissait plus particulièrement, en l’espèce, d’un défaut d’information quant à une variante d’exécution négociée en cours de travaux avec les entrepreneurs de voiries et relative à l’égouttage avec répercussion sur les niveaux d’exécution de la voirie, notamment aux droits des canalisations.
 
Il résulte de l’analyse qu’a fait la Cour des obligations reposant sur le maître de l’ouvrage que, pour permettre l’élimination ou, à tout le moins, la diminution des risques lors des travaux, le maître de l’ouvrage doit favoriser l’émergence de l’information portant sur une modification des travaux et en garantir la circulation à l’intention de son coordinateur de sécurité de manière à ce que ce dernier puisse exercer de manière efficiente la mission que le législateur lui a dévolue.
 
Par conséquent, selon la Cour, le maître de l’ouvrage doit :
 
-       Informer d’initiative son coordinateur de sécurité de toute modification de projet pour lui permettre d’exercer sa mission de « dépisteur » de risques. La Cour réfute expressément l’idée selon laquelle il appartiendrait au coordinateur sécurité de venir quérir les informations nécessaires auprès du maître de l’ouvrage.
 
-       Veiller à ce que les intervenants sur le chantier collaborent et coopèrent dans cette démarche d’information du coordinateur de sécurité ;
 
En réalisant ces obligations, le maître de l’ouvrage garantit aux différents intervenants sur le chantier la mise à leur disposition en temps réel d’un PSS adapté par le coordinateur de sécurité en fonction de l’évolution des risques du chantier leur permettant ainsi de réagir à ces nouveaux risques en parfaite connaissance de cause.
 
En synthèse, la Cour d’Appel de MONS a retenu une conception large des obligations incombant aux maîtres de l’ouvrage vis-à-vis du coordinateur de sécurité santé en lui imposant d’être actif, voire proactif dans le domaine.
 
 
Notre conseil :
 
Compte tenu de cette jurisprudence, les maîtres de l’ouvrage doivent être particulièrement être vigilants quant au respect de leur obligation de veiller à la bonne et complète information du coordinateur de sécurité et de santé.
 
Concrètement, les maîtres de l’ouvrage veilleront à mettre en place une organisation de chantier et des mécanismes de communication permettant au coordinateur de sécurité santé de disposer en temps et heure de toutes les informations nécessaires afin non seulement d’élaborer son PSS mais également de l’adapter au cours de l’exécution des travaux, notamment en cas de modifications apportées au chantier.
Il ne faut toutefois pas adopter une attitude excessive qui consisterait à communiquer au coordinateur, de manière systématique, toute information relative au chantier, lui laissant seul le soin de trier celle-ci. Un tel excès noierait l’élément pertinent dans un torrent d’informations dénuées de pertinence sur le plan de la sécurité et ne permettrait pas d’atteindre les objectifs de la réglementation.
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