Marchés publics – jurisprudence européenne : Les prix anormalement bas

I – Arrêt du 29 mars 2012 de la CJUE rappelant l’exigence de demander au candidat de préciser la composition de son offre apparemment anormalement basse

Saisie d’un renvoi en interprétation, la CJUE a rendu, le 29 mars 2012 (aff. C 599/10), un arrêt déterminant dans quelle mesure les pouvoirs adjudicateurs qui s’estiment en présence d’une offre anormalement basse, lors d’une procédure d’appel d’offres restreint, sont tenus de demander des éclaircissements au candidat en cause, dans le respect des dispositions de l’article 55 de la directive 2004/18.

La CJUE a, d’abord, estimé que l’article 55 de la directive 2004/18 exige du législateur national de prévoir, dans l’hypothèse d’une offre proposant un prix anormalement bas, que le pouvoir adjudicateur demande par écrit au candidat en cause de clarifier sa proposition. 

Ce n’est qu’en deuxième lieu que l’acheteur public peut éventuellement rejeter l’offre. Par conséquent, l’article 55 s’oppose à la position d’un pouvoir adjudicateur qui considérerait qu’il ne lui incombe pas de demander au candidat d’expliquer un prix anormalement bas.

La CJUE ajoute que la liste des domaines sur lesquels les précisions peuvent porter, visées à l’article 55 paragraphe 1, second alinéa de la directive,n’est pas exhaustive sans toutefois être purement indicative. Les pouvoirs adjudicateurs ne sont donc pas libres de déterminer les critères leur permettant de rejeter les offres apparaissant anormalement basses : ils doivent « formuler clairement » la demande adressée aux candidats afin que ces derniers puissent justifier « pleinement et utilement » le sérieux de leur offre. 

Cependant, le juge européen laisse au juge national le soin, s’il est saisi, de vérifier si la demande d’éclaircissement a permis au candidat concerné d’expliquer à suffisance la composition de son offre.

On retiendra donc qu’afin d’éviter l’arbitraire de l’autorité adjudicatrice et de garantir une saine concurrence entre les entreprises, la législation nationale doit, nécessairement prévoir ce « débat contradictoire effectif », entre l’acheteur public et le candidat.

En droit belge, l’article 110 §3 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 et l’article 21 §3 de l’arrêté royal du 15 juillet 2011, qui entrera en vigueur courant 2013, prévoient une telle garantie puisqu’ils mettent à charge du pouvoir adjudicateur l’obligation d’inviter le soumissionnaire à fournir les explications utiles sur les prix litigieux.
 
II – Future directive relative aux marchés publics

Reste encore indéterminée la question des critères de détermination de la présence d’une offre anormalement basse qui déclenche la procédure visée ci-dessus. 

La Commission européenne a émis une proposition au sein de la future directive relative aux marchés publics relative à la détermination des offres anormalement basses. 

L’article 69 de cette proposition énonce trois conditions cumulatives :
-              le prix ou le coût facturé est inférieur de plus de 50 % au prix ou coût moyen des autres offres ;
-              il est aussi inférieur de plus de 20 % au prix ou coût de la deuxième offre la plus basse ;
-              au moins cinq offres ont été soumises.
 
En droit belge, en cas de marchés publics de travaux, l’article 110 §4 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 et l’article 99 §2 de l’arrêté royal du 15 juillet 2011, qui entrera en vigueur courant 2013, prévoient qu’une offre dont le montant s’écarte d’au moins 15% en dessous de la moyenne des montants des offres déposées, doit être considérée comme exigeant la vérification par le pouvoir adjudicateur de l’anormalité éventuelle de son montant.
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