Marchés publics - Dialogue compétitif

Suite à la publication de l’arrêté royal du 12 septembre 2011, la procédure de dialogue compétitif est entrée en vigueur en droit belge le 17 septembre.

La transposition de cette procédure particulière prévue par la directive 2004/18 « secteur classique » du 31 mars 2004 était facultative pour les Etats membres. Cependant la Commission Européenne a remis en cause le recours à la procédure négociée avec publicité dans le cadre de certains projets de partenariat public-privé au motif que les pouvoirs adjudicateurs ne seraient pas obligés de recourir à une interprétation des textes jugée trop extensive si le dialogue compétitif était transposé en droit belge.

On ne peut que se réjouir de cette anticipation en faveur de la procédure de dialogue compétitif sur l’entrée en vigueur des dispositions de la réforme de la règlementation des marchés publics.

Vu le contexte de transition dans lequel elle intervient, l’identification des règles applicables ressemble malheureusement à une véritable usine à gaz.

Résumons les caractéristiques essentielles de cette procédure d’exception en reprenant les différentes phases.

Phase 1 : Décision motivée préalable

L’arrêté royal du 12 septembre 2011 modifie en ce qui concerne la procédure de dialogue compétitif les dispositions du livre IIbis de la loi du 24 décembre 1993 relative à la motivation, l’information et aux voies de recours.

L’autorité adjudicatrice qui décide de recourir à un dialogue compétitif doit adopter une décision motivée reprenant les motifs de droit et de fait justifiant ou permettant le recours à la procédure de dialogue compétitif.

Celle-ci est définie comme une procédure de passation « … dans laquelle le pouvoir adjudicateur conduit un dialogue avec les candidats sélectionnés à cette procédure, en vue de développer une ou plusieurs solutions aptes à répondre à ses besoins et sur la base de laquelle ou desquelles les candidats retenus sont invités à remettre une offre ».

Les conditions particulières justifiant le recours à cette procédure sont prévues à l’article 27 de la loi : « Le pouvoir adjudicateur ne peut recourir à la procédure du dialogue compétitif que dans le cas d’un marché particulièrement complexe lorsqu’il :
- 1° n’est objectivement pas en mesure de définir les moyens techniques à satisfaire ses besoins ou d’évaluer ce que le marché peut offrir en termes de solutions techniques financières ou juridiques et
- 2° estime que le recours à la procédure ouverte ou restreinte ne permettra pas de passer le marché ».

Ces conditions doivent donc être reprises dans la décision motivée. La jurisprudence devra interpréter cette notion de marché particulièrement complexe du point de vue des moyens techniques à satisfaire ou de l’indétermination des solutions financières ou juridiques. Elle devra notamment trancher la question de savoir si cette complexité s’apprécie objectivement ou en fonction des capacités propres du pouvoir adjudicateur en cause.

Sera-t-elle limitée à des marchés exceptionnels tels que la réalisation de grandes infrastructures de transport intégrées ou pourra-t-elle s’appliquer à des projets de moyenne importance ?

Phase 2 : Publicité

Au départ de la procédure le pouvoir adjudicateur doit publier un avis de marché et établir un document descriptif. Il doit indiquer dans l’avis de marché ou dans le document descriptif ses besoins et exigences ainsi que les critères d’attribution. Il s’agit d’éléments substantiels qui ne pourront être modifiés en cours de procédure.

Pour les marchés atteignant le seuil européen, le pouvoir adjudicateur précise la pondération relative de chacun des critères d’attribution.

Phase 3 : Sélection qualitative

Il s’agit d’une phase distincte dans laquelle le pouvoir adjudicateur reçoit les demandes de participation et procède à la sélection des candidats qui seront admis au dialogue. Seuls les candidats sélectionnés sont invités simultanément et par écrit à participer au dialogue compétitif.

Phase 4 : Phase de dialogue

Il ne faut pas confondre cette phase avec une simple négociation d’offres. Cette phase est en effet préalable à l’établissement des offres et a pour objet l’identification et la définition des moyens propres à satisfaire au mieux les besoins du pouvoir adjudicateur.

Pour autant que le recours à cette faculté ait été indiqué dans l’avis de marché ou dans le document descriptif, le pouvoir adjudicateur peut prévoir que la procédure se déroule en phases successives de manière à réduire le nombre de solutions à discuter.

Phase 5 : Remise des offres finales et attribution du marché

Une fois le dialogue conclu, le pouvoir adjudicateur invite simultanément et par écrit chaque participant dont une ou plusieurs solutions ont été retenues à remettre une offre finale pour une ou plusieurs des solutions retenues qu’il a présentées.

Le pouvoir adjudicateur évalue les offres finales reçues en fonction des critères d’attribution et choisi l’offre économiquement la plus avantageuse de son point de vue.

Le pouvoir adjudicateur peut demander aux participants de clarifier, préciser ou compléter leur(s) offre(s) finale(s). Cependant cette clarification, précision ou complément ne peut avoir pour effet de modifier les éléments essentiels de l’offre ni ceux du document descriptif, lorsque cette modification est susceptible de fausser la concurrence ou d’avoir un effet discriminatoire.

Appréciation : l'attente est-elle récompensée ?

Cette procédure est donc particulièrement complexe et sa mise en œuvre dans les projets de partenariat public-privé ou dans le cadre de marchés publics d’une particulière complexité permettra de mesurer certaines difficultés qui apparaissent a priori.

Tel est le cas du problème du respect des droits intellectuels et plus généralement de l’interdiction pour le pouvoir adjudicateur de communiquer aux autres participants les solutions proposées ou d’autres informations confidentielles fournies par un participant sans l’accord de celui-ci.

On ne peut donc mettre en concurrence l’ensemble des candidats sur une solution particulièrement intéressante proposée par l’un d’entre eux qu’avec l’accord de celui-ci.

Autre difficulté particulière : ce n’est qu’après clôture du dialogue que le pouvoir adjudicateur, dans son invitation à déposer les offres finales, fixe les conditions d’exécution du marché à savoir le cahier spécial des charges.

L’établissement de ces conditions d’exécution doit cependant être combiné avec l’interdiction de modifier les éléments essentiels du document descriptif initial.

Il s’agit donc d’une gymnastique particulièrement complexe mais essentielle puisqu’un marché de cet ordre ne se conçoit pas sans clauses d’exécutions précises et circonstanciées.
 
 
Avocat(s)