L’obligation d’assurance des prestataires immatériels dans le secteur de la construction déclarée constitutionnelle

assurance des prestataires immatériels


Par un arrêt du 15 février 2006, La Cour constitutionnelle avait considéré que « en ce que les architectes sont le seul groupe professionnel du secteur de la construction à être légalement obligé d’assurer sa responsabilité professionnelle, cette responsabilité risque, en cas de condamnation in solidum, d’être plus que celle des autres groupes professionnels, mise en œuvre sans qu’existe pour ce faire de justifications objectives et raisonnables. Cette discrimination n’est toutefois pas la conséquence de l’obligation assurance imposée par la loi attaquée mais bien en l’absence dans le droit applicable aux parties intervenantes dans l’acte de bâtir d’une obligation d’assurance comparable. Il ne peut y être remédié que par l’intervention du législateur ».

Depuis cet arrêt, l’Ordre des architectes insistait auprès du pouvoir législateur pour que de nouvelles dispositions soient prises. Depuis une action en responsabilité, deux lois ont ainsi été adoptées relativement récemment :

  • La loi du 31 mai 2007 relative à l’assurance de la responsabilité décennale qui s’applique à tout constructeur, et qui oblige la couverture d’une responsabilité décennale pour les habitations, pour un montant plafonné à 500.000 €, responsabilité décennale ne couvrant pas les vices apparents.
  • La loi du 9 mai 2019, relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile qui concerne les architectes, les géomètres-experts, les coordinateurs sécurité-santé et autres prestataires du secteur de la construction et de travaux immobiliers, qui oblige tous ces prestataires immatériels à souscrire une assurance couvrant leurs responsabilités professionnelles au sens large.

Cette 2ème loi ne s’applique cependant pas aux entrepreneurs. Les architectes considéraient dès lors qu’une différence de traitement est maintenue en ce que les architectes sont quant à eux obligés de couvrir leurs responsabilités contractuelles, et extra-contractuelles, de manière assez générale alors que les entrepreneurs ne sont quant à eux tenus de couvrir que leurs responsabilités décennales, pour les habitations, plafonnée à 500.000 €, sans obligation de couvrir les vices apparents. 

Cette critique était susceptible de mettre à néant les modifications législatives récemment.

La Cour constitutionnelle vient de répondre ce 25 février : « Le fait que l’entrepreneur des travaux ne relève pas du champ d’application de la loi du 9 mai 2019 ne signifie cependant pas qu’il ne doit pas assurer ses responsabilités professionnelles (…) La loi du 31 mai 2007 impose à l’entrepreneur l’obligation de souscrire une assurance couvrant la responsabilité civile visée aux articles 1792 et 2270 de l’ancien Code civil pour une période de 10 ans après l’agréation des travaux ce qui se limite à la stabilité, à la solidité et à l’étanchéité du gros-œuvre fermé lorsque celle-ci met en péril la solidité ou la stabilité de l’habitation . Dans cette optique, la situation actuelle de l’entrepreneur de travaux diffère fondamentalement de celle qui devait être appréciée dans son arrêt 100/2007. En vertu de la législation tel qu’elle était applicable à l’époque, l’entrepreneur des travaux ne devait en effet pas assurer sa responsabilité civile professionnelle contrairement à l’architecte ce qui selon la Cour n’était pas raisonnablement justifié. Dans ce qui précède, la différence de traitement critiquée n’est pas dénuée de justification raisonnable ».


La Cour constitutionnelle valide donc les nouvelles obligations imposées par le législateur.

Cette solution n’est pas particulièrement étonnante, même si la motivation retenue par la Cour peut étonner. Soutenir que la différence de traitement qui avait été relevée en 2006 n’existe plus du simple fait que les entrepreneurs seraient tenus de couvrir leur responsabilité décennale uniquement pour les habitations et pour un montant plafonné de 500.000 € sans couverture des vices apparents, apparait être un raisonnement étonnant, puisque la différence de traitement persiste pour toute autre responsabilité qu’elle soit extra-contractuelle ou contractuelle (responsabilité avant réception, responsabilité après réception, hors responsabilité décennale ou responsabilité décennale pour les bâtiments hors habitation, pour les montant supérieurs à 500.000 €, ou pour les vices apparents).

Comme le relevait le Professeur KOHL, n’eut-il pas été plus logique de justifier cette différence de traitement d’une part par le fait que les architectes bénéficient d’un monopole d’exercice de leur profession, au contraire des entrepreneurs, et d’autre part, par le fait que la couverture sans limite et sans réserve de la responsabilité contractuelle des entrepreneurs apparait pour la plupart des acteurs du secteur de l’assurance, assurable, ou à défaut assurable à un coût prohibitif ? Le résultat est cependant identique : le système mis en place par le législateur est donc validé.

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