Le Conseil d’Etat annule, suspend et indemnise désormais !

Jouissant des nouveaux pouvoirs qui lui ont été conférés par l’article 11 bis des lois coordonnées sur le Conseil d’État, ce dernier a, pour la première fois, octroyé à un requérant une indemnité réparatrice en octobre 2015, sans qu’une procédure distincte devant les juridictions judiciaires soit nécessaire.

En l’occurrence, une entreprise de sécurité avait sollicité en 2013 une « carte d’identification » à dessein d’engager un agent de gardiennage. Cependant, cette entreprise s’est vu opposer un refus du SPF intérieur en raison d’une condamnation encourue par l’intéressé vingt ans plus tôt. Le Conseil d’Etat, saisi d’un recours en annulation et d’une demande en suspension à l’encontre de cette décision de refus, a décidé le 31 octobre 2013 de suspendre cette décision (voyez, à cet égard, l’arrêt n°225.305). Le SPF Intérieur a, par la suite, procédé au retrait de la décision de refus et a délivré la carte d’identification, laquelle prenant effet le 7 janvier 2014.

Ce faisant, le Conseil d’Etat n’a pu que constater par un arrêt n°228.108 du 24 juillet 2014 que le recours en annulation avait été vidé de sa substance. Il a, en conséquence, rendu un arrêt de non-lieu à statuer. En septembre 2014, une demande d’indemnité réparatrice a alors été introduite par l’intéressé qui n’avait bénéficié jusqu’à février 2014 que de rémunérations inférieures à ce qu’il aurait gagné en tant qu’agent de gardiennage.

Par son arrêt n°232.416 du 2 octobre 2015, le Conseil d’État rejette, d’une part, la demande visant la réparation du préjudice moral, le Conseil d’État arguant que la suspension de la décision de refus, ainsi que le retrait de cette décision et la délivrance de la carte d’identification, tiennent lieu de réparation quant à ce préjudice moral. Cependant, le Conseil d’Etat octroie, d’autre part, à l’intéressé le bénéfice de l’indemnité réparatrice correspondant au manque à gagner augmenté d’intérêts judiciaires, l’existence d’un lien causal entre l’illégalité de l’acte et le dommage subi formant la condition de l’octroi de cette indemnité (principe classique de la responsabilité civile).

Il est intéressant de noter qu’en l’espèce, la décision d’octroi d’une indemnité réparatrice ne se base pas en tant que telle sur un arrêt d’annulation du Conseil d’État, mais sur le constat de l’illégalité d’une décision qui fut, avant que le Conseil ne puisse se prononcer sur l’annulation de celle-ci, retirée. En d’autres termes, l’autorité administrative à l’origine de l’acte incriminé ne peut s’exonérer de son obligation de réparation par le simple retrait de l’acte en cause.

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