L’action en réparation devant le conseil d’état

La constitution belge et les lois coordonnées sur le Conseil d’Etat ont été modifiées. Désormais, le Conseil d’Etat peut accorder au requérant la réparation du dommage qu’il subit du fait de l’acte dont la légalité est contestée devant lui.

Auparavant, seules les juridictions judiciaires pouvaient accorder la réparation de ce dommage, ce qui nécessitait l’introduction d’une une nouvelle procédure, le plus généralement, sur la base de l’article 1382 du Code civil.

Désormais donc, le requérant au Conseil d’Etat dispose d’un choix et peut porter sa demande de dédommagement soit devant le juge civil, soit devant le Conseil d’Etat. 

Plusieurs particularités de la nouvelle procédure devant le Conseil d’Etat sont à noter : 


1.  INDEMNITÉ RÉPARATRICE

La réparation demandée devant le Conseil d’État sera toujours pécuniaire. 

La réparation en nature résulte de l’arrêt d’annulation lui-même puisque celui-ci a un effet rétroactif.

Contrairement à l’action sur la base de l’article 1382, l’indemnisation qui pourra être attribuée par le Conseil d’Etat ne sera pas forcément une réparation intégrale, notamment parce que les lois coordonnées précisent que le Conseil d’État doit tenir compte d’autres intérêts (publics, privés) pour fixer l’indemnité.

Mais le doctrine invite le Conseil à allouer aux requérants des montants comparables à ceux que le juge judiciaire accorderait. 

Le Conseil d’Etat pourra, le cas échéant, ordonner des expertises.

2.  LA RESPONSABILITÉ EST ÉTABLIE EN CAS D’ILLÉGALITÉ ET NON DE FAUTE

L’indemnisation demandée devant le Conseil d’Etat ne nécessitera pas la démonstration de l’existence d’une faute imputable à la partie adverse, celle-ci sera présumée du fait de la reconnaissance de l’illégalité de l’acte.

Il s’agit donc d’un nouveau cas de responsabilité objective.

C’est incontestablement un avantage de cette procédure : le requérant a un élément de moins du triptyque classique « faute – dommage – lien causal » à démontrer.

Notons qu’il n’est pas nécessaire qu’un arrêt d’annulation soit prononcé mais qu’il suffit qu’une illégalité soit constatée. Ainsi, en cas de retrait, l’illégalité est considérée comme étant constatée bien qu’aucun arrêt d’annulation ne soit rendu.


3.  ELLE EST L’ACCESSOIRE D’UNE PROCÉDURE EN ANNULATION

Si un arrêt d’annulation n’est pas nécessaire, une procédure en annulation doit bien avoir été intentée.

Il n’est pas question d’aller directement demander une indemnisation, contrairement à une procédure qui serait initiée immédiatement devant les cours et tribunaux.


4.  DÉLAI - 60 JOURS

Un procès en responsabilité devant le Juge judiciaire peut-être introduit 5 ans après le constat d’illégalité.

Devant le Conseil d’État, la procédure devra être introduite dans les 60 jours de la notification de l’arrêt. 

Si le délai est dépassé, la procédure devant le juge judiciaire sera bien sûr toujours possible.

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Sur la base de ce qui précède, restera, au cas par cas, à déterminer quelle voie procédurale choisir.

Le cumul entre la procédure civile sur la base de 1382 et la procédure devant le Conseil d’État est en effet impossible. Si une action devant le Conseil d’État est effectivement introduite, aucune action civile ne pourra être, par la suite, intentée et inversement.

Il est actuellement difficile, sans jurisprudence, de déterminer la meilleure voie à choisir.

La procédure devant le Conseil d’Etat présente le double avantage de constituer :
  • un gain d’énergie : le juge qui a annulé est le mieux placé puisqu’il connaît le dossier. Les éléments de fait ne devront plus être rappelés. Au surplus, le constat de l’illégalité présume la responsabilité de l’autorité et évite donc le débat récurrent devant le juge judiciaire de l’équivalence de l’illégalité et de la faute,
  • un gain de temps : les délais sont nettement réduits par la nouvelle procédure puisque le Conseil d’État a une obligation de rendre un arrêt statuant sur la question de l’indemnisation endéans les 12 mois.
On relèvera cependant, comme inconvénient que l’appel n’est pas possible. Le Conseil d’Etat statue en dernier ressort.

A ce jour, seules quatre demandes ont été introduites. 

Incontestablement, le succès de la procédure dépendra de son efficacité. Le sort de ces premiers recours en sera un bon indice. 
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