L’entrave méchante à la circulation routière lors d’une grève est pénalement répressible

Camion

Il était question d’une grève générale lancée à l’initiative de la F.G.T.B. le 19 octobre 2015 à la suite de mesures adoptées par le Gouvernement Michel.

Plus d’une centaine de manifestants présents pour l’occasion avaient mis en place des pneus en feu et autre matériel constituant une barricade sur le pont autoroutier de Cheratte. L’action avait duré 5 heures et ce blocage complet de l’autoroute avait entrainé près de 400 kilomètres de bouchons, outre d’importants dégâts matériels. 

La Cour a d’abord vérifié l’existence d’une "entrave méchante à la circulation" qui, comme toute infraction, requière la réunion de deux éléments constitutifs : un élément matériel et un élément moral.

Concernant l’élément matériel, la Cour a relevé que de par sa nature même, le blocage, qui avait empêché tout passage de véhicules sur une voie de circulation à vitesse élevée, avait rendu la circulation potentiellement dangereuse.

Quant à l’élément moral de l’infraction, il consiste en une "intention méchante" : l’auteur doit avoir eu pour but de réaliser l’entrave. La Cour a insisté sur le fait que le danger ne devait pas nécessairement faire partie de l’intention, de sorte qu’il n’est pas pertinent de vérifier si les prévenus savaient (ou devaient savoir) que l’entrave impliquerait potentiellement une situation de danger. 

Après avoir considéré que les deux éléments étaient rencontrés, la Cour a confronté l’infraction (et la condamnation pénale en découlant) au droit de grève, protégé par les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme et les articles 26 et 27 de la Constitution belge.

Elle a rappelé que le droit de grève, bien que fondamental, n’est pas un droit absolu : il peut être soumis à des restrictions proportionnées dans l’intérêt général, notamment pour protéger la sécurité publique et l’intégrité physique des personnes.

La Cour a souligné les conditions de la manifestation : les faits litigieux ne concernaient pas une simple entrave résultant de piquets de grève ou de barrages routiers filtrants, mais bien une entrave à la circulation avec mise en danger.

Elle en a conclu que l’application proportionnée de l’article 406 alinéa 1er du Code pénal ne portait pas atteinte au droit de grève.

De cette manière, la Cour d’appel de Liège a suivi la jurisprudence récente de la Cour de cassation (7 janvier 2020). Concernant des barrages routiers installés à Anvers dans le cadre d’une grève générale, la Cour suprême avait rejeté l’argumentaire du responsable syndical selon lequel, puisqu’il n’était pas "conscient" du danger résultant des actes commis dans le cadre de la grève, l’élément moral de l’infraction d’entrave méchante à la circulation n’était pas rencontré ; la Cour avait ainsi validé la condamnation pénale d’un gréviste qui avait sciemment entravé la circulation.
 

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