Les déplacements du travailleur et les prestations de garde : du temps de travail ?

temps de travail

Que signifie « le temps de travail » ? 

On entend par « temps de travail », au sens de la Directive européenne 2003/88/CE du 4 novembre 2003, la période durant laquelle le travailleur est : 

  • soit au travail
  • soit à la disposition de l’employeur
  • soit encore dans l’exercice de son activité ou de sa fonction

En droit belge, cette notion est définie comme étant le temps pendant lequel le travailleur est à la disposition de l’employeur (voir notamment la loi du 16 mars 1971 sur le travail ainsi que celle du 14 décembre 2000 fixant certains aspects et aménagements du temps de travail dans le secteur public).

La notion de temps de travail est donc définie plus largement que la durée du travail réelle. 

En outre, cette notion n’implique pas nécessairement la réalisation de prestations effectives.

La Cour de Justice de l’Union européenne a été amenée à se pencher sur la notion du « temps de travail » dans le cadre de deux hypothèses bien précises : 

  • Pour les services de garde à domicile 
  • Pour les déplacements domicile-clientèle   

Les questions posées étaient de savoir si ces temps de garde à domicile ainsi que les déplacements du travailleur entre son domicile et le client devaient être considérés comme du temps de travail. Dans l’affirmative, comment devaient-ils être rémunérés ? 

  • La Cour de justice rappelle qu’il n’existe pas de situation intermédiaire : le travailleur est soit en temps de travail soit en repos.

  • Pour les déplacements du domicile du travailleur vers la clientèle, tant la jurisprudence de Cour de Justice de l’Union Européenne (voir en ce sens l’arrêt TYCO – C-266/14) que la jurisprudence belge des juridictions du travail considèrent ces déplacements comme du temps de travail : les travailleurs sont à la disposition de l’employeur à partir du moment où ils entament leur déplacement vers le premier client.

    En effet : 

    • des instructions peuvent leur être données auxquelles ils ne peuvent se soustraire
    • ils se déplacent sous les ordre de leur employeur
    • et ne peuvent en toute hypothèse disposer librement de leur temps afin de se consacrer à leurs propres activités.

    Il en est d’autant plus ainsi lorsque les travailleurs ne disposent pas de lieu de travail fixe.
  • En matière de temps de garde, ce n’est par contre que très récemment que la question a finalement été tranchée par la Cour de Justice.

    Dans deux arrêts (C-344/19 et C-580/19) prononcés le 9 mars 2021, la Cour de Justice avance   un critère d’évaluation principal pour la détermination du temps de travail, à savoir:  la possibilité pour le travailleur de disposer librement de son temps et de se consacrer à d’autres activités

    Elle énonce ensuite deux sous-critères spécifiques :

    • La fréquence et la durée moyenne des interventions effectives ;
    • Le délai de réaction dont dispose le travailleur pour débuter l’intervention.

    Concernant ce dernier sous-critère, la Cour précise que ce délai de réaction doit être examiné in concreto, au regard des contraintes et obligations imposées au travailleur.

    Elle ajoute que certains éléments ne doivent au contraire pas être pris en considération lorsqu’ils résultent du libre choix du travailleur ou encore de contraintes naturelles.

    La possibilité de se consacrer à ses propres activités et intérêts apparait donc comme le critère principal et déterminant, que ce soit en matière de services de garde à domicile ou de déplacements domicile-clientèle.
  • Enfin, quant au traitement salarial : la Cour de justice a considéré, dans plusieurs décisions (voir notamment l’arrêt DELLAS C-14/04, ainsi les deux arrêts C-344/19 et C-580/19 rendus en matière de garde à domicile) que, lorsqu’il s’agissait de prestations effectives réduites, voire parfois inexistantes, pouvait être justifiée l’application d’une rémunération différenciée.

    Dans ces hypothèses, la Cour de Justice a néanmoins précisé que cette question ne relevait pas du droit européen et qu’il appartenait par conséquent au législateur national de légiférer sur la matière.

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