Le travail au noir et l’adage « Nemo auditur »

Confirmant le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 15 janvier 2009, la Cour d’appel de Liège a récemment décidé, dans un arrêt du 15 juin 2010, que les parties qui choisissent sciemment et volontairement de contracter au noir, c’est-à-dire de se soustraire à l’application des lois du pays, ne peuvent agir en justice en vue de faire valoir des droits nés de ces conventions dont elles ont voulu l’illicéité.

Les faits peuvent être résumés comme suit : une société installe des châssis chez un particulier. Ce dernier ne nie pas que les travaux aient été effectués, mais refuse de payer, arguant du fait que la société aurait surfacturé les travaux. La société assigne donc en justice son client et réclame le paiement de ses services sur base de la facture prétendument émise par ses soins. Reconventionnellement, le client sollicite qu’un expert soit désigné pour évaluer les travaux, ainsi que les malfaçons dont il se prévaut.

Plusieurs éléments vont être retenus par la Cour comme permettant d’établir à suffisance de droit que les parties avaient assurément conclu un contrat au noir : l’absence de devis signé par le client, l’absence de facture d’acompte, l’absence de reçu établi sur un document sérieux, l’absence de facturation à la fin du chantier, la démarche accomplie par l’entrepreneur consistant à se présenter au domicile du client pour être payé et le fait qu’il l’ait accompagné à la banque pour recevoir de l’argent de la main à la main.

Tant l’action principale que l’action reconventionnelle vont être déclarées irrecevables par application de l’adage « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans ». Cette irrecevabilité est d’ordre public et doit être soulevée d’office par les Cours et Tribunaux.

Cet arrêt se situe dans le prolongement de l’enseignement de la doctrine et de la jurisprudence actuelles et majoritaires, selon laquelle l’adage n’a pas pour effet d’interdire à une partie d’invoquer en justice la nullité d’une convention contraire à l’ordre public, mais seulement de proscrire la demande en exécution ou encore la résolution.