La Cour européenne des Droits de l’Homme valide les enregistrements vidéos effectués sur la voie publique

La Cour européenne des Droits de l’Homme valide les enregistrements vidéos effectués sur la voie publique. Les enregistrements vidéos effectués sur la voie publique sont de plus en plus utilisés, qu’il s’agisse essentiellement dans le cadre d’expertise médicale, singulièrement lorsqu’il s’agit d’évaluer le préjudice corporel subi par une victime.

Le débiteur d’indemnité est généralement dépourvu d’éléments, lorsque les plaintes invoquées par la victime ne sont pas objectivables médicalement.

Les assureurs, puisqu’il s’agit essentiellement d’eux, recourent dès lors de plus en plus régulièrement au service de détectives privés pour procéder à des enregistrements sur la voie publique de certaines victimes afin d’objectiver ou de contester les plaintes invoquées.

La profession de détective privé est strictement règlementée par la loi du 19 juillet 1991, organisant la profession de détective privée et par l’arrêté royal du 29 avril 1992. Les dispositions légales encadrent les conditions à respecter pour que de tels constats puissent être effectués.

Cela étant, même lorsque les conditions légales sont respectées, la validité et la pertinence de tels enregistrements sont régulièrement contestés devant une juridiction, notamment sur base de la violation du droit à la vie privée.

Les décisions des juridictions de fond considèrent, selon les circonstances de faits, que le droit à la vie privée est ou n’est pas violé.

Par un arrêt du 2 mai 2014, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a tranché la question de la conformité à la convention européenne des droits de l’homme, d’enregistrements effectués par un détective privé à la demande d’une compagnie d’assurance, d’une victime sur la voie publique.

Le droit au respect de la vie privé est en effet visé par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme. 

La cour rappelle tout d’abord les principes généraux ainsi que la notion de vie privée, qui est « une notion large non susceptible d’une définition exhaustive, qui recouvre l’intégrité physique et morale de la personne et peut donc englober de multiples aspects de l’identité d’individu tel  le nom ou les éléments se rapportant au droit à  l’image ».

En prenant appui sur cette définition large la Cour Européenne considère que « l’enregistrement d’images vidéos constitue une ingérence de la vie privée d’un  individu » (arrêt p.7).

La cour précise également que « l’image étant l’une des caractéristiques attachées à la personnalité de chacun, sa protection effective suppose en principe le consentement de l’individu dès sa captation et non pas seulement au moment de son éventuelle diffusion publique. Dans le cas contraire, un attribut essentiel de la personnalité pourrait être détenu par autrui sans que l’intéressé ait la maîtrise de son éventuel usage ultérieur ». (p.8)

Après avoir rappelé ces principes, la cour constate cependant que « le cas d’espèce ne porte pas sur la diffusion d’images relatives à la vie quotidienne du requérant, mais exclusivement sur la prise et l’utilisation ultérieure de telles images en tant que moyen de preuve dans le cadre d’un procès civil (…). Les images litigieuses n’ont pas vocation à être publiées (…), leur prise n’ayant pas été effectuée de manière systématique ou permanente (p.8).

La cour considère dès lors qu’elle n’a pas à se substituer aux juridictions nationales pour considérer s’il y a plainte ou non, ou au droit à la protection de la vie privée, mais qu’elle doit vérifier « à la lumière de l’ensemble d’une affaire, si les décisions des juridictions nationales ont rendues en vertu de leur appréciations sont conciliables avec les dispositions invoquées par la convention » (p.9).

Après avoir constaté que les enregistrements étaient effectués sur le domaine public, il n’y a eu aucune interférence dans le comportement de la victime filmée, la cour valide ainsi le raisonnement des juridictions nationales, qui ont admis le recours à un tel moyen de preuve, après avoir constaté que les enregistrements avaient été effectués par une agence de détective privé agree.

La cour considère également que le but poursuivi est raisonnable, dès lors que « les images enregistrées ont pour vocation à contribuer de façon légitime au débat judiciaire, afin de permettre à l’assureur de mettre à la disposition du juge l’ensemble des éléments pertinents ».

Il semble donc au sortir de cet arrêt que la réalisation d’enregistrements vidéos sur la voie publique effectués dans le respect des dispositions légales applicables aux détectives privés viole le droit à la vie privée de la personne filmée. Cette violation du droit au respect de la vie privée est cependant admissible, pour autant que le but poursuivi par le mandant du détective privé soit légitime et raisonnable, dès lors qu’elle s’avère proportionnelle au but poursuivi, à savoir la contribution « de façon légitime au débat judiciaire ».

Il est donc probable que le recours à de tels enregistrements vidéos soit de plus en plus régulier.

 

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