Incident sur l’intérêt à agir au Conseil d’Etat

Ce 28 octobre 2014, le Conseil d’Etat a annulé le refus de permis unique que le Ministre Henry avait opposé, en 2010,  au projet Citta Verde à Farciennes (C.E., 28 octobre 2014, 228.950, Citta Verde). Le dossier avait, à l’époque du refus de permis, défrayé la chronique.

L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat est intéressant à plus d’un titre. Mais, il retient particulièrement l’attention en ce qui concerne son approche de l’intérêt à agir.

Dans le cas d’espèce, le promoteur avait sollicité le permis unique au travers d’une société qui n’était pas la propriétaire du terrain, le terrain ayant été cédé à une autre société du groupe.

Le refus de permis unique était attaqué à la fois par la demanderesse de permis et par la propriétaire du terrain.

Si le Conseil d’Etat reconnaît l’intérêt à agir de la propriétaire, il le dénie, par contre, à la demanderesse de permis. Le Conseil d’Etat souligne que la demanderesse « est en défaut de montrer qu'elle a concrètement le pouvoir d'accomplir ou de faire accomplir pour son compte, à cet endroit, des actes de construction ou d'exploitation visés dans la demande de permis unique ».

Cet arrêt fait écho à la récente jurisprudence du Conseil d’Etat en matière de permis d’urbanisme annulant des permis délivrés alors que la demande ne laissait pas apparaître la possibilité pour le demandeur de mettre en œuvre le permis sollicité (C.E., 24 mars 2011, 212.228, SOORS ; 30 décembre 2013, 225.967, FRANCOIS).

L’arrêt Citta Verde présente cependant des particularités.

La première est qu’alors que les précédentes décisions concernaient des permis d’urbanisme, celle-ci est relative à un permis unique.

La deuxième particularité est que, en l’espèce, la possibilité de mettre en œuvre l’autorisation n’était pas contestée par des tiers propriétaires des terrains, comme elle l’était dans les autres cas soumis au Conseil d’Etat.

Enfin, troisième particularité, la capacité à mettre en œuvre le permis est ici appréciée pour définir l’intérêt à agir et non la légalité de la décision de l’autorité administrative. Le Ministre qui avait refusé le permis, lui-même, n’avait pas retenu l’argument pour justifier sa décision. Se faisant, le Conseil d’Etat crée deux catégories de demandeurs de permis unique : ceux qui démontrent qu’ils peuvent mettre le permis en œuvre et qui, de ce fait, sont admis à contester la légalité d’un refus devant la Haute Juridiction et les autres qui ne peuvent pas démontrer une telle capacité de mise en œuvre et qui se voient dès lors dans l’impossibilité de contester la légalité d’un refus qui leur serait opposé.

Cette approche de la Haute Juridiction doit inciter à la prudence dans l’organisation des montages pour la réalisation de projets immobiliers. La division de la maîtrise foncière d’une part et de l’opérationnalité (au travers de l’obtention des autorisations) d’autre part semble devoir être déconseillée. Quand elle ne peut pas être évitée (par exemple parce qu’un terrain est acquis sous la condition suspensive de l’obtention des autorisations), on veillera à organiser précisément la maîtrise de l’exercice des voies de recours pour éviter de priver le véritable promoteur de l’accès au prétoire.