Une faute du Conseil d’Etat dans l’exercice de sa fonction juridictionnelle engage la responsabilité de l’Etat Belge

conseil d'état de Belgique

Les circonstances qui viennent d’amener la Cour d’appel de Bruxelles à condamner l’Etat Belge pour une faute commise par le Conseil d’Etat sont particulières mais édifiantes.

En 2009, un « citoyen schaerbeekois » avertit sa commune qu’une conseillère communale ne résiderait pas effectivement au domicile où elle est inscrite mais toujours à son ancien domicile, à Grimbergen. Or, l’article 10 de la Nouvelle loi communale fait de la domiciliation effective dans la commune une condition d’éligibilité, de sorte que la perte de cette qualité entraine la déchéance du mandat conféré à l’élu.

Une enquête effectuée à l’improviste confirme le soupçon. L’élue ne dispose à Schaerbeek que d’un grenier poussiéreux dans l’immeuble occupé par ses parents. Ne s’y trouve qu’un lit d’une personne, non fait, encombré de sacs. Des voisins confirment que l’élue et sa famille ne rendent que rarement visite à ses parents. 

L’élue conteste, en produisant un constat d’huissier qui atteste de sa présence réelle dans l’immeuble de ses parents. L’immeuble de Grimbergen, où elle était antérieurement domiciliée, serait devenu une résidence secondaire où sa famille ne passe que les week-ends et périodes de vacances.

Non convaincu par ces explications, le collège communal déchoit l’élue de sa qualité.

Mais celle-ci obtient gain de cause devant le Collège juridictionnel de la Région de Bruxelles-capitale qui estime que « la présomption selon laquelle l’intéressée réside effectivement de façon principale à Schaerbeek n’est pas renversée ».

La Commune introduit un recours au Conseil d’Etat mais celui-ci le rejette en se contentant de noter que la décision du collège est « longuement motivée » et « qu’elle a pris en compte tous les éléments du dossier et les a examinés soigneusement » si bien qu’elle est « adéquatement motivée en fait et en droit ».

La Commune s’estime lésée par cette décision. En effet, le Conseil d’Etat semble avoir tranché la cause comme s’il statuait en cassation administrative alors qu’il dispose en cette matière d’un contrôle de pleine juridiction, ce que n’avait d’ailleurs pas manqué de lui rappeler l’auditeur qui avait rendu un avis dans le cadre du recours.

La Commune assigne dès lors l’Etat Belge, estimant que le Conseil d’Etat a commis une faute qui lui cause un préjudice moral.

Saisie par le tribunal de première instance, la Cour constitutionnelle pose que l’article 1382 du Code civil doit être interprété en ce sens qu’une faute commise par une juridiction statuant en dernier ressort peut engager la responsabilité de l’Etat même si elle n’a pas été retirée, rétractée, réformée ou annulée (arrêt n°99/2014 du 30 juin 2014). Le tribunal déboute néanmoins la Commune en estimant que si le Conseil d’Etat a bien commis une faute, il n’en résulte pas de dommage certain.

C’est cet arrêt que réforme la Cour d’appel de Bruxelles par son arrêt du 14 février 2019.

La Cour constate qu’en méconnaissant sa compétence de pleine juridiction, malgré le rappel de l’auditeur, le Conseil d’Etat a commis une première faute. Il en a commis une deuxième en ne motivant pas correctement son arrêt puisqu’il n’a pas répondu aux moyens de la Commune « de manière à ce que … apparaissent les raisons pour lesquelles, après un contrôle des faits, le recours était rejeté ».

S’il ne peut être considéré que, si le Conseil d’Etat avait correctement mis en œuvre sa compétence, il aurait nécessairement accueilli le recours de la Commune, ses fautes ont en tout cas occasionné à celle-ci une perte de chance certaine qu’il en soit ainsi car le dossier produit par la Commune comportait des éléments de preuve très convaincants.

L’Etat est dès lors condamné à indemniser la Commune à hauteur d’un préjudice moral évalué, en équité, à 5.000 €.
 

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