Taxe kilométrique : quelle indemnisation pour les entreprises ?

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Le 1er avril 2016 est entré en vigueur le décret du 16 juillet 2015 instaurant la taxe kilométrique à charge des poids lourds pour l’utilisation des routes incorporées dans le réseau structurant tel que défini par le décret du 10 mars 1994 et par l’arrêté du Gouvernement wallon du 8 février 1996. 

L’introduction de ce prélèvement kilométrique a impacté certaines entreprises exécutant des marchés publics qui impliquaient l’utilisation des véhicules visés par cette imposition.

La question s’est dès lors posée de savoir comment et dans quelle mesure ces entreprises pouvaient obtenir indemnisation des suppléments de prix engendrés par cette taxe.

Le droit à la révision du prix du marché résultant d'une modification des impositions est aujourd’hui inscrit à l’article 38/8 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013, en vigueur depuis le 30 juin 2017. Cet article reprend, pour l’essentiel, le prescrit de l’ancien article 56/1 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 et de l’article 13, §3, du Cahier général des charges, l’une ou l’autre de ces dispositions régissant les marchés publics en cours d’exécution au moment de l’introduction de la taxe kilométrique en 2016.

Ces derniers articles prévoient, en substance, le droit pour l’adjudicataire de solliciter une révision du prix du marché, à condition que :

  • la modification ait été publiée au Moniteur belge après le 10e jour précédant la date ultime fixée pour la réception des offres ou, en cas de procédure négociée, après l’accord de l’adjudicataire ;
  • l’impact du changement d’imposition ne soit pas répercuté dans les prix du marché via la formule de révision des prix.

Un ordre de service adopté par la Direction des Routes et Bâtiments de la Région wallonne (DGO1) le 7 septembre 2017 précise les contours de l’indemnisation qu’est en droit de revendiquer, sur pied de l’article 56/1 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 ou 13, §3, du Cahier général des charges, une entreprise ayant subi, dans le cadre de l’exécution d’un marché public, les effets de la taxe kilométrique. 

Quels marchés ?

En premier lieu, cet ordre de service nous apprend que le groupe de travail piloté par le Cabinet du Ministre des Travaux publics a décidé de retenir la date du 2 février 2016 comme date de la publication de la modification au sens de l’article 56/1 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 ou de l’article 13, §3, du Cahier général des charges. Cette date correspond, en réalité, à la publication, au Moniteur belge, de l’avis officiel de renonciation à la perception de l’Eurovignette.

Au regard de cette date, l’entreprise souhaitant obtenir une révision des prix du marché en raison de l’instauration du prélèvement kilométrique devra être l’adjudicataire d’un marché dont la date pour la remise des offres était fixée, au plus tard, au 12 février 2016.

Après cette date, il doit en effet être considéré que les soumissionnaires avaient la faculté d’intégrer l’impact de la taxe kilométrique dans les prix contenus dans leur offre.

Quelle indemnisation ?

Il apparaît que l’évaluation concrète du coût que représente l’instauration de ce prélèvement constitue un travail complexe et souvent hasardeux, tant pour les entreprises que pour l’administration. 

Par conséquent, une solution indemnitaire est préconisée par la Direction des Routes et Bâtiments au travers de cet ordre de service.

Ainsi, il est proposé aux entreprises une indemnisation correspondant à une augmentation de 0,50 % de tous les prix unitaires ou globaux des marchés éligibles, mais cette majoration ne s’appliquera qu’aux prix des prestations accomplies à partir du 1er avril 2016, date d’entrée en vigueur du décret.

Conformément à la législation applicable, les entreprises doivent, à dessein d’obtenir pareille indemnisation, introduire, auprès des services de la Direction des Routes et Bâtiments, une réclamation écrite dans le délai de 90 jours à dater de la réception provisoire.

Cette révision forfaitaire est cependant accordée à titre transactionnel, les entreprises renonçant alors à toute revendication supplémentaire. En d’autres termes, les entreprises ne souhaitant pas solliciter une telle indemnité forfaitaire restent libres de revendiquer le montant réel du supplément de prix, mais devront en apporter les justificatifs, ce qui peut s’avérer une gageure.


En guise de conclusion, soulignons que si cet ordre de service émanant de la Direction des Routes et Bâtiments n’a, en tant que tel, aucune valeur juridique contraignante, il ne fait pas de doute qu’une demande de majoration forfaitaire basée sur cet ordre de service recevra une réponse favorable dans le cadre du traitement des marchés pilotés par la SOFICO et la Direction des Routes et Bâtiments.

En outre, cet ordre de service, propre à la Direction des Routes et Bâtiments, pourrait, selon nous, également servir de base aux revendications d’entreprises en charge de marchés publics pour le compte d’autres services publics et administrations, en particulier si l’on prend en considération la difficulté pour une entreprise d’estimer l’impact financier concret de la mise en place de la taxe kilométrique.

Cette possibilité d’obtenir une indemnité forfaitaire pour tout type de marché concerné par l’instauration de ce prélèvement paraît d’autant plus réaliste que la Flandre a adopté, le 12 octobre 2016, un ordre de service prévoyant l’application d’une indemnité forfaitaire similaire pour l’ensemble des travaux publics concernés par le prélèvement kilométrique.
 

Avocat(s)