Le formulaire A1 : éclairage de la Cour européenne de Justice

Le formulaire A1 atteste de la législation de sécurité sociale applicable aux travailleurs qui exercent leurs activités pour le compte d’un employeur dans plus d’un état membre de l’Union Européenne. Il confirme la situation de sécurité sociale pour la période reprise dans la déclaration et indique dans quel pays les cotisations de sécurité sociale doivent être payées. Le formulaire A1 lie l’ensemble des institutions de l’état membre dans lequel l’activité est exercée tant que celui-ci est régulier et ce, aussi longtemps que ce certificat n’a pas été retiré ou déclaré invalide par l’état membre d’émission. 

Le 6 février 2018, la Cour européenne de Justice (CJUE) a décidé qu’une juridiction de l’Etat membre d’accueil peut unilatéralement refuser d’appliquer un formulaire A1 délivré par les autorités compétentes du pays d’envoi, si elle constate que cette attestation a été obtenue de manière frauduleuse et que le pays d’envoi n’a pas revu le formulaire dans un délai raisonnable (CJUE, 6 février 2018, n°C-359/16). La juridiction du pays d’accueil doit cependant garantir les droits de la défense des personnes concernées. Le caractère frauduleux requiert d’une part le non-respect d’une condition relative au détachement et d’autre part une dissimulation intentionnelle (le fait de ne pas mentionner volontairement certaines informations ou de communiquer une situation qui ne correspond pas à la réalité).

Le 6 septembre 2018, la CJUE a franchi un pas supplémentaire dans son interprétation en retenant que le formulaire A1 lie l’ensemble des institutions des deux états membres concernés même si la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale a conclu que ce formulaire avait été émis à tort et qu’il devrait être retiré (CJUE, 6 septembre 2018, n°C-527/16).  La CJUE souligne à cet égard que la Commission a pour seul objectif de concilier les points de vue, ces conclusions ayant uniquement une valeur d’avis. 

Dans cet arrêt, la CJUE constate par ailleurs qu’un formulaire  A1 peut s’appliquer avec effet rétroactif même si, à la date de la délivrance de ce certificat, l’institution compétente de l’état membre dans lequel l’activité est exercée avait déjà décidé que le travailleur concerné devait être soumis à l’assurance obligatoire de cet état membre. 

En conclusion, sous réserve des cas frauduleux et moyennant le respect de certaines conditions, l’état d’accueil demeure lié par les formulaires A1 dispensés par l’état d’envoi.

Enfin, selon la CJUE, dans le cas où un travailleur détaché par son employeur pour effectuer un travail dans un autre état membre est remplacé par un autre travailleur détaché par un autre employeur, ce dernier n’est pas soumis à la législation de son état membre d’origine, c’est-à-dire celui dans lequel son employeur exerce normalement ses activités. Un travailleur détaché est en effet soumis par principe au régime de sécurité sociale de l’état membre où il travaille. Seules certaines exceptions permettent de contourner ce principe, ce qui n’est pas le cas lorsque le travailleur détaché remplace une autre personne qui avait été détachée par un autre employeur. La Cour relève à cette occasion que le fait pour les deux employeurs d’entretenir d’éventuels liens personnels voire organisationnels n’a pas d’incidence.