La prescription de l’action en réparation de troubles de voisinage

tondeuse

Le titulaire d’un droit de jouissance sur un bien immobilier (en général, le propriétaire, mais ce peut être aussi un usufruitier, un concessionnaire, un locataire …), qui, par son action ou son inaction, même non fautive, cause à son ou ses voisins un trouble excédant la mesure des inconvénients ordinaires du voisinage peut être condamné à compenser ce trouble, soit en nature (en adoptant les mesures qui permettront d’éliminer ce trouble ou, au moins, de le contenir dans la norme des inconvénients habituels du voisinage concerné), soit, lorsque la réparation en nature n’est pas possible, en lui versant une somme d’argent réparant le trouble ainsi subi (tel est particulièrement le cas pour les troubles déjà subis).

Cinq décisions successives viennent de confirmer que le délai de la prescription de cette action en réparation de troubles de voisinage était celui applicable aux actions extracontractuelles : l’action doit être introduite dans un délai de cinq ans prenant cours à partir du moment où la victime du trouble a eu connaissance de ses caractéristiques principales, c’est-à-dire, essentiellement, de son auteur et de son importance. C’est notamment l’enseignement d’un arrêt de la Cour d’appel de Mons du 5 décembre 2017.

La Cour d’appel de Liège, par deux arrêts des 30 avril 2018 et 4 mai 2018, précise logiquement que lorsqu’un trouble augmente, en ne s’inscrivant pas dans l’évolution raisonnablement prévisible du trouble initial, ce n’est qu’à partir du moment où cette aggravation est constatée que le délai prend cours.

Mais la Cour d’appel de Mons nuance sa position dans un arrêt du 30 mars 2018. Elle estime que, lorsqu’un trouble se prolonge dans le temps, étant ainsi quotidiennement à la source d’un dommage continu, l’action ne doit être considérée comme prescrite que pour les dommages qui sont vieux de plus de cinq ans au moment où elle est introduite mais qu’en revanche elle doit être accueillie en ce qui concerne le dommage postérieur et la demande de mesures qui permettraient d’y mettre fin.

Dans une décision sans doute plus discutable du 9 janvier 2017 (et d’ailleurs assez contradictoire avec le premier des deux arrêts de la Cour d’appel de Liège), le juge de paix de Fontaine-l’Évêque applique cet enseignement à l’hypothèse d’un arbre plus que trentenaire dont le feuillage et le branchage causaient des troubles à son voisin. Une première action avait abouti à une obligation d’élagage, qui avait été exécutée. Mais la nature avait continué son œuvre et les troubles étaient réapparus. Le juge admet à juste titre qu’un nouveau délai de prescription prend cours au moment où les troubles sont à nouveau devenus excessifs. Il va même jusqu’à admettre – et c’est cela qui étonne – que l’abattage pur et simple de l’arbre soit imposé, il est vrai parce qu’un expert avait indiqué qu’il s’agissait de la seule solution possible pour éviter la réitération incessantes de troubles.

Au-delà des nuances qu’elles comprennent, qui témoignent de controverses qui subsistent, ces cinq décisions nous rappellent que l’action en réparation de troubles de voisinage est une ressource importante puisqu’elle permet d’agir contre l’auteur d’un trouble excessif sans même avoir à démontrer qu’il a commis une faute. On pensera ainsi aux hypothèses où l’auteur d’un permis (d’urbanisme ou d’environnement, par exemple) le met régulièrement en œuvre, dans le respect de ses conditions, mais en imposant néanmoins au voisinage un trouble qui vient bouleverser l’équilibre qui prévalait dans le voisinage.
 

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